Ils sont quatre artistes, la plupart jeunes trentenaires, à constituer ce collectif pour le moins original. (LA)HORDE, créée en 2011, réunit les scénographes, vidéastes et plasticiens Marine Brutti et Jonathan Debrouwer, et les chorégraphes, danseurs Arthur Harel et Céline Signoret. Ainsi, la singularité de leur travail – en plus du nom de leur collectif symbolisant à leurs yeux le groupe et un côté sauvage, animal, mais aussi cette capacité à accueillir d’autres artistes – émane de cette faculté à laisser interagir les disciplines propres à chacun et à les guider vers un désir commun. Un directeur artistique au sein de (LA)HORDE, vous n’en trouverez pas. Les projets, comme les interviewes, s’élaborent à quatre. Les envies s’éveillent à quatre. Ensemble, ils se bâtissent une culture commune, vont voir les mêmes spectacles, les mêmes expositions… afin de créer le terreau, les racines fondatrices de leurs futurs projets et créations.
Pour Avant les gens mouraient, (LA)HORDE s’est intéressée aux danses issues d’un mouvement populaire né en Belgique dans les années 2000, le Jumpstyle. Une danse composée de petits pas sautés effectués sur le tempo d’une musique la plupart du temps électronique. Fort de cette rencontre avec cette pratique, le collectif a voulu, et suite à leur résidence, répondre à la commande qui leur était faite de la part de l’École de Danse Contemporaine de Montréal. Ainsi quinze élèves de dernière année, se sont plongés, pour certains avec réticence, dans ce style totalement inconnu (c’est en effet un mouvement très européen Pays-Bas, Irlande, Royaume Uni et Nord de la France) et loin de leur pratique artistique propre. Le résultat n’en est pas moins bluffant.
Teaser « Avant les gens mouraient » (LA)HORDE from (LA)HORDE on Vimeo.
Scénographie et chorégraphie mettent parfaitement en lumière cette horde de quinze danseurs. Avec en son sein seulement trois hommes, ce qui contraste avec les vidéos que l’on voit sur You Tube, plateforme principale de transmissions, de défis de ce style, où la plupart du temps ce sont de jeunes hommes qui dansent. Les uns après les autres, vêtus de brassières sportives, de tee shirt, de jogging plus ou moins lumineux, de tennis et autres sneakers, les artistes entrent sur le plateau, sobrement décoré de deux barrières de sécurité. Corps éclectiques, regards défiant à l’unisson, ils attendent. L’idée de horde prend alors toute sa valeur. Le bouillonnement intérieur est plus que perceptible. On perçoit instantanément cette tension qui monte pour s’extérioriser à tout moment.
Il suffit qu’une des danseuses donne le top et tout le groupe se met en mouvement pour dix minutes de Jumpstyle sans interruption. La performance est troublante. Il est à noté qu’ils ont été, pour ce faire, suivis par des coachs en cardio. Cette équipée dansante s’étiole petit à petit. Ce sont alors un ou deux danseurs qui gardent le rythme, la gestuelle, puis le groupe se reforme par vagues. Entrées et sorties des uns et des autres, permettent alors de respirer et de s’attacher aux visages des danseurs, à ces mouvements répétitifs qui entraînent les interprètes dans un espace qu’ils balaient avec maestria tout en maintenant les hauteurs de ces mouvements.
Des individualités se détachent laissant place à des duos, des solos. Les corps semblent mués par des décharges électriques. La vibration est reine. Les temps de pause ne sont que régénération avant de nouvelles fusions, explosions. Pendant quarante minutes cette jeunesse, celle du plateau et celle des maîtres d’œuvre, déplacent les codes tout en les utilisant. Le Jumpstyle est approprié par les danseurs et transcendé aussi bien par la chorégraphie et la scénographie que par leur interprétation. La proposition du collectif permet aux caractères de s’affirmer pour notre plus grand plaisir.
Avec Avant les gens mouraient, (LA)HORDE réussit cette performance de donner à voir une pièce originale, explosive, où les sensations physiques du spectateur sont largement mises à contribution. Un collectif à suivre, qui déplace les frontières, et les limites d’une certaine danse contemporaine.
Et plus si affinités
www.collectiflahorde.com
(LA)HORDE anime du 16 au 27 mai un workshop autour de l’apprentissage de la danse via les tutoriaux en ligne dans le cadre du NOUVEAU FESTIVAL du Centre Pompidou.