On l’évoquait encore récemment, la réhabilitation du son New Age est en marche. Pas encore de séance d’épanouissement personnel ou de « réunion bien-être » à signaler, mais la parution de deux disques, sur le même label, à quelques semaines d’intervalle. Et ce n’est évidemment pas un hasard. Comme beaucoup d’entre nous, ces deux artistes ont sans doute redécouvert et sérieusement reconsidéré le style musical grâce à de très solides compilations ou anthologies éditées depuis 2013.
Pour ne laisser personne au bord du chemin, on citera le Celestial Soul Portait de Iasos publié par Numero en 2013, et le coffret I am the center : Private issue New Age in America 1950-1990 (Light in the Attic, 2014). Aujourd’hui le label Leaving records créé l’événement avec deux enregistrements récents, dignes héritiers des références citées à l’instant, qui nous rappellent à quel point on avait collé beaucoup d’étiquettes, pas toujours aimables, sur ce genre musical, sans avoir pris vraiment le temps de l’écouter.
Matthewdavid’s Mindflight : Trust the guide and glide (2016)
Patron du label (désormais plus aisément distribué par l’entité hip-hop Stones Throw), Matthewdavid est artistiquement né à la fin des années 2000. Bien placé dans la vague des beat-makers qui ont submergé la Californie à cette époque, avec, déjà, cette touche « ambient» très singulière. A Los Angeles, des soirées Low end theory aux émissions de la toujours excellente web-radio Dublab, le jeune musicien/Dj/directeur artistique a déjà un CV respectable. On le sent pourtant libéré de toute obligation sur ce nouvel album, laissant l’auditeur dans un état de suspension, au moins temporel.
Illustrés par le peintre Gilbert Williams (associé de longue date à l’histoire new age) et accompagnés de quelques notes descriptives, les sept titres instrumentaux tiennent la promesse d’un grand voyage. Un « royaume caché », des « synthétiseurs paradisiaques » et « des textures océaniques » … Ce vocabulaire utilisé par l’artiste pour parler de sa musique, témoigne de la bienveillance et de l’intérêt avec lesquels Matthewdavid s’immerge dans ce courant. Loin du pastiche ou de tout soupçon opportuniste, cet album est à sa façon, un geste radical, une déconnexion inespérée dans la production actuelle. Sur les nappes ou sous les drones, persiste une impression de continuité dans les expérimentations, éclipsant les craintes d’une méthode rétro-futuriste appliquée à la lettre.
Et plus si affinités
http://www.stonesthrow.com/store/album/matthewdavid-mindflight/trust-the-guide-and-glide
Carlos Nino & friends : Flutes, Echoes, it’s all happening ! (2016)
Ambianceur incontesté des mêmes territoires ouest américains, Carlos Nino a déjà été crédité sur une centaine de disques, comme simple collaborateur, ou à l’initiative de nombreux groupes et projets (Ammoncontact, Build An Ark, The Life Force trio,..). Son premier talent est sans doute de relier les personnes par la musique, d’être le passeur entre les périodes et les styles, du jazz à la musique orchestrale, de l’exotica au hip-hop, jusqu’à cette nouvelle hybridation new age.
On a parfois reproché à Carlos Nino d’être souvent sur une même ligne un peu édulcorée, aussi éclectique soit-elle. Où le projet et l’effet d’annonce des participants l’emporteraient sur le contenu. Mais cet album, qui frappe à nouveau par la liste de ses invités (Iasos, Madlib, Kamasi Washington,…), s’écoutera comme une superbe session radiophonique. Avec des passages live, l’interview d’un pionnier (Iasos sur Delightful/Waterfall, coeur new-age du disque), le spectre d’Alice Coltrane, ou une boucle de hip-hop instrumental qui ne trompera personne sur la provenance de l’enregistrement. Fidèle associé, Miguel Atwood-Ferguson, est l’un des éléments essentiels du disque. Apportant, grâce à ses cordes toujours impeccablement arrangées, une touche cinématographique ample, voire intense sur de nombreux titres.
Évitant le trop-plein, toute cette équipe parvient à nous faire traverser l’album comme un songe, avec cette note bleue-Pacifique, toujours présente. Telle une base musicale jazz, accueillant à bras ouvert des phénomènes sonores insoupçonnables, baptisés New Age par une civilisation du 20ème siècle.
Et plus si affinités