D’habitude, ce sont les dessous de la filière musique ou des galeries d’art que nous aimons dévoiler. Aujourd’hui, nous vous proposons d’aller voir ce qui se passe dans les coulisses du théâtre. Là aussi, le jeu des subventions fait rage, appuyant scènes nationales et troupes reconnues. Et comme dans tout circuit qui se respecte, vous trouvez des indépendants, qui s’expriment en dehors du circuit. Il s’agit du théâtre dit « privé » dont lesThéâtres et Producteurs Associésconstituent à la fois une émanation et un organe de référence.
L’indépendance et la passion
Collaboration,Ita L. née Goldfeld,Les Bulles… Nous avons souvent chroniqué les productions de ce type de théâtre : elles sont originales, bien mises en scène, superbement jouées… la qualité est au rendez-vous, mais pas que. En effet, les théâtres privés héritent d’un type d’exploitation qui se caractérise par l’indépendance et la passion des professionnels qui l’animent, et une règle incontournable : en plus d’exploiter une salle ou un lieu, un directeur de théâtre privé est aussi son propre producteur ; ainsi, il choisit, accompagne et défend chacun de ses spectacles.
Une prise de risque, un engagement, une foi vrillée au corps. On ne peut prendre cette responsabilité en charge sans avoir des convictions profondes et un amour inconditionnel de cette forme artistique ô combien exigeante. Cette spécificité amène à façonner un creuset de créativité essentiel, de découverte, de promotion et diffusion d’œuvres originales et de nouveaux talents. D’où le désir de s’organiser, de se lier : l’enseigne « Théâtres et Porducteurs Associés » (anciennement « Théâtres Parisiens Associés », le nom a été modifié en 2021) découle de ce besoin d’affirmer une singularité, des valeurs communes actuellement portées par les théâtres indépendants partout en France et qui ont adhéré à l’Association pour le Soutien du Théâtre Privé (ASTP), rejoignant ainsi un réseau déjà très actif.
Le modèle du « théâtre producteur »
Cela passe par la revendication du modèle du « théâtre producteur » ; ces entrepreneurs non subventionnés défendent leur indépendance artistique et affichent la diversité de leurs programmations avec fierté, partageant une éthique professionnelle stricte :
- respect des droits des auteurs et des artistes interprètes
- respect des conditions générales d’accueil du public
- préservation d’un patrimoine architectural et culturel de premier plan.
On n’y pense pas forcément, mais ces entrepreneurs du spectacle assurent en parallèle l’entretien de salles historiques, qui ont joué un rôle important dans l’histoire du théâtre français, on peut notamment citer les théâtres qui jalonnaient en son temps le fameux Boulevard du Crime, aka du Temple, et qui ont porté sur les fonts baptismaux le drame romantique, le vaudeville, tandis que d’autres, plus tard et ailleurs dans la capitale, ont enfanté les mises en scènes d’avant-garde du Cartel, le théâtre de l’Absurde.
Agitateurs culturels, activateurs artistiques
Des agitateurs culturels en somme qui impactent la vie dramatique hexagonale, à leurs risques et périls, car s’ils se trompent sur une production, ils n’ont guère de gilets de sauvetage financiers (les assurances peut-être ?). Cela est encore plus vrai en période post-covid. Une problématique que Molière, Racine et consort vivaient déjà en leur temps et qui explique en partie le prix élevé des billets, qui du reste n’excède pas celui de certaines salles subventionnées, elles aussi menacées par les coupes larges opérées dans les budgets accordés au secteur culture. Dans ce climat de crise sanitaire et sociale, l’union fait la force pour continuer de produire des spectacles de qualité tout en respectant une identité et des valeurs.
C’est là qu’Internet joue un rôle précieux : le site de l’association assure le relais des infos, valorise la programmation de chaque théâtre membre, avec présentation des spectacles, photos et vidéos à l’appui, billetterie en ligne, sans compter les réseaux sociaux bien entendu et une application. Preuve que malgré les coups du sort, le théâtre privé n’a rien perdu de son énergie ni de son adaptabilité ; c’est du reste ainsi qu’il va depuis des siècles, tenant bon face aux crises, aux assauts de la télé et du web (qui en deviennent à l’occasion les adjuvants). Il a ses fidèles, il attire les curieux, il assure la relève des talents, tenant haut son rôle d’activateur artistique.