Alain Bashung 1er décembre 1947 – 14 mars 2009.
4 ans déjà. Le deuil a engendré le regret, le souvenir mélancolique, tandis que le rocker s’est installé au panthéon des grands musiciens français, intronisé aux côtés de Gainsbourg. Une icône. Comment rendre hommage à une icône ? Sans verser dans l’idolâtrie sirupeuse la plus stupide, ce qu’abhorrait le disparu ? Sans donner l’impression de convoquer les mannes maudites du chanteur solitaire ?
Sinon en se souvenant que ce fut un homme ? Et un artiste ? Avec ses émotions, ses ambitions, ses frénésies, ses attirances, ses angoisses ? C’est le pari tenu par Dernières nouvelles de Frau Major. Un titre digne du compositeur de « Osez Joséphine ». Un challenge pour Pierre Mikaïloff, biographe de Bashung, pour le metteur en scène Hedi Tillette de Clermont-Tonnerre. Pour les musiciens du chanteur, pour les interprètes également. Une réussite à tous points de vue.
Durant deux heures, nous évoquons le parcours d’un rocker. De manière chronologique. Avec le regard précis et sans affect du journaliste/biographe réfugié derrière son ordinateur. Par le récit émouvant et à fleur de peau de sa première nana. Frau Major. Que le rocker a quitté un jour sans donner d’explication. Qu’elle a toujours dans la peau parce que ce genre de mec vous entre dans l’épiderme comme une maladie chronique et vous tient, même un fois parti.
Frau Major 3′ by theatrelouisaragon
A eux deux, ces narrateurs de l’improbable vont conter une vie à l’extrême, un caractère torturé, douloureux et destructeur, qui « va user » producteurs, paroliers, femmes, … un dévorateur adorable de complexité, incroyable de talent, effroyable d’émotion. Sans jamais citer son nom. Sans jamais montrer son visage. Uniquement sur l’anecdote, les temps forts, le creux de la vague de vie.
Chacun d’un côté de la scène dans son halo de lumière, avec en hauteur au centre le directeur de la maison de disque qui de séquence en séquence va insulter, reconnaître, vampiriser l’artiste. Et sur le devant, les musiciens. Qui ont vécu le quotidien du chanteur. Ont joué avec toute une existence. Le connaissent parfaitement parce qu’ils ont été en harmonie au premier sens du terme. Ce sont eux le véritable moteur du spectacle, qui nous accueillent en jouant tandis que nous nous plaçons, histoire de nous plonger dans l’ambiance.
Hypnose que prolongent les morceaux suivants, interprétés dans un frémissement croissant par Chloe Mons, Kent, Miossec. Sans imiter, juste en sentant les mélodies, les mots. Parole après parole, note après note. Brigitte Fontaine qui vient chuchoter « La nuit je mens » apporte enveloppée dans sa cape noire l’âme d’Alain, Bertrand Cantat qui enfin arrive pour scander le dernier passage, avec cette fêlure intérieure, une blessure irréversible dans la voix.
Nous terminons le spectacle : IL est là, avec nous, dans la salle, partout, nulle part. Pas un lamento, juste une plainte, un soupir sans fin, comme la fumée d’une clope qu’on exhale, tandis qu’on touche à la fin du parcours, de SA chevauchée … et que Frau Major s’éloigne. Et la conviction soudain que ce genre de mec, ça ne meurt pas. Jamais.
Epoustouflant.
« Bijou Bijou » par Amandine – Extrait du spectacle joué au Théâtre Louis Aragon à Tremblay en France
Et plus si affinités
http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=207