De lui, on sait peu de choses, un parcours chaotique, une vie dissolue, un caractère de rebelle, une peinture révolutionnaire. Caravage demeure un mystère au même titre que le dramaturge élisabéthain Christopher Marlowe ou le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini. Trois formidables créateurs, aux passions aussi brûlantes et dévastatrices que l’imagination et le talent. Tandis qu’Antony Burgess écrit sur Marlowe, Dominique Fernandez choisit Pasolini et Caravage comme sujets, leur donnant la parole dans deux formidables romans Dans la main de l’ange et La course à l’abîme. C’est ce dernier ouvrage qui va impacter/inspirer Cesare Capitani, auteur et interprète de cet incroyable Moi, Caravage.
Le parcours de Caravage
Il y a de quoi : dans le roman archi primé de Fernandez, le peintre nous parle par delà la mort, nous racontant une existence dont les zones d’ombre sont éclairées par l’imagination de l’écrivain, nourrie par sa connaissance de l’Italie, son amour du baroque, son interrogation sur la marginalité de l’artiste. Au fur et à mesure qu’on avance dans cette confession, la main nous démange et c’est avec les clichés des grands tableaux du peintre qu’on se retrouve pour illustrer son propos.C’était là le principal défi à relever pour Capitani et son metteur en scène Stanislas Grassian. Et ils y arrivent : convoquer toutes les toiles du maître dans ce no man’land dépouillé et volontairement sombre qui constitue leur espace de jeu. Tour à tour maison de famille, atelier encombré, salon d’apparat, chemin de l’exil, plage où se terminera le parcours de Caravage, nous changeons de dimension tandis que varient les lumières sur scène.
Une atmosphère intime, introspective
La lumière, troisième personnage après le peintre et son modèle/amant, de cette aventure fatale, universelle, de la création maudite parce que géniale, intransigeante et révoltée contre les hypocrisies de la vie. Restituée par des projecteurs, la douceur mordorée et secrète d’une lanterne magique, l’éclairage naturellement discret d’une bougie placée dans un sémaphore. Une atmosphère intime, introspective qui souligne le cheminement intellectuel et amoureux du créateur, la décomposition progressive qui l’amène à la mort et le fait entrer dans la légende. Est-il besoin de saluer l’interprétation absolument saisissante de nervosité et de tension de Capitani, en miroir avec celle plus douce et plus posée de sa partenaire Laetitia Favart, dont les lèvres veloutées, le regard de braise rappelle le profil des personnages représentés, jeunes voyous ou femmes prostituées, dont Caravage a ponctué son œuvre, quand il ne se peignait pas lui-même sous les traits d’Holopherne, de la Méduse, de Goliath, géants transformés en victimes ?
La puissance évocatrice du verbe
D’un geste lent, ils prennent la pose et soudain ce sont Le Martyre de Saint Mathieu, Bacchus malade, Judith et Holopherne qui surgissent devant nous, immobiles, dans le modelé incroyable des chairs, anxieuses d’être couchées sur la toile. Ajoutons la puissance évocatrice du verbe, la voix tour à tour tragique et ironique de Capitani, ce récit ô combien lyrique, semblable aux récitatifs des opéras baroques qu’évoquent ces mélodies italiennes murmurées par Laetitia, entre chant populaire et arie de Monteverdi. Autant de berceuses, de balades amoureuses, de chants funèbres : « … passion, sensualité, beauté qui s’expriment, malgré les ombres, magnifiées par les ténèbres. C’est toute la magie de la pièce de Capitani et de la mise en scène de Grassian que de restituer cette alchimie incroyable, l’essence même du Maniérisme.
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