Et par pitié regardez les deux films en continu car Daniel Auteuil les a tournés tels quels, enchaînant les deux premiers volets de la fameuse trilogie marseillaise de Pagnol quasiment sur une même image. Un vieux rêve, ambitieux et osé – repasser derrière Pagnol, c’est une gageure – que l’acteur portait en lui, animé par son interprétation magistrale d’Hugolin dans Jean de Florette et Manon des Sources tournés en 1986 par Claude Berri. 27 ans plus tard et après s’être chauffé avec la réal de La Fille du puisatier en 2011, Auteuil abat la doublette Marius/Fanny. Et quelle doublette !
Un casting de rêve avec, outre les rôles titres tenus par Raphaël Personnaz et Victoire Belezy, éclatant de jeunesse et de fougue et un César interprété avec délectation et beaucoup de profondeur par Auteuil lui-même, des pointures comme Marie-Anne Chazel, Rufus, Nicolas Vaude, Daniel Russo et surtout Jean-Pierre Darroussin, Panisse émouvant et tellement humain ! En bref un retour à la tradition du cinéma français des années 30 qui privilégiait la foultitude des personnages secondaires dont la fresque apporte ici l’esprit de la Provence chère à Pagnol tout en composant l’arrière plan de cette tragédie amoureuse. Car c’est d’une tragédie qu’il s’agit.
Celle des passions trop tôt vécues dans la folie de la jeunesse, celle du décalage affectif entre homme et femme : Fanny depuis toujours amoureuse de son beau Marius épris de mer, d’aventure et d’Ailleurs. Lorsqu’il reviendra de son périple, il trouvera la belle, abandonnée enceinte, mariée à un autre, l’enfant adopté en secret. Trop tard. Triste. Eh oui Pagnol décrit la vie, ses beautés, ses rires et ses pleurs. A Marseille tout cela est décuplé, les colères comme les réconciliations. Mais on y a le sens du clan, du groupe, de la communauté. Fanny, très vite, trouvera en Panisse et en César, le père de Marius, des protecteurs, qui prennent en charge l’enfant et lui évitent l’état avilissant de bâtardise. Et quand Marius reviendra réclamer son gosse, arguant qu’il est le père biologique, César lui lancera un cinglant : « Le père ? C’est celui qui aime ! »
Cette simple réplique justifie à elle seule la relecture d’Auteuil qui ancre ainsi la saga marseillaise dans une actualité brûlante, repositionnant tout le débat sur l’idée d’amour, l’annulant ainsi d’une phrase. L’amour : c’est simple, limpide, comme les parties de pétanque dans les calanques, les engueulades en buvant un pastis à l’heure de la belote, le vent doux et chaud, le soleil dans le ciel bleu, et ce parfum de Méditerranée qui partout flotte dans les rues phocéennes. C’est cela aussi qu’apportent les deux films d’Auteuil : la couleur, la lumière, les paysages chauds, les tonalités, qui soudain dégagent la fable du point de vue purement humain pour l’ouvrir à un lieu, une atmosphère. Le tout se savoure d’une traite, et on ressort de là en manque de cette cité superbe. Vivement le troisième opus donc, pour voir comme César complètera ce doublon si réussi.
Et plus si affinités