L’exposition de la Cité de la Musique, Euro-Punk, qui dure jusqu’au 19 janvier 2014, a été initiée avec un certain culot par la vénérable Académie de France à Rome-Villa Médicis, avant d’être reprise à Paris, en partie reformatée, avec des contenus musicaux et audiovisuels enrichis et dans un nouveau parcours tracé par le commissaire Éric de Chassey assisté de David Sanson.
Punk ? Ça sonne bien. Et en même temps moche. Sans valeur. Punk = vaurien. Ça sonne pourri – c’est d’ailleurs sous ce pseudo négatif – « rotten » en anglais a une connotation avariée – , que se fait connaître un certain John Lydon, chanteur du groupe emblématique de punk-rock, les Sex Pistols. Ça ne prend pas de gants pour dire ce qui doit l’être. Ou pour plaquer quelques accords de six cordes électriques. C’est ça, d’abord, le punk. Ce son brut de décoffrage qui vient interrompre le sommeil du brave, la contemplation baba, la rêverie raga ou l’extase rasta. Ces riffs au tempo vif, cela vous casse l’ambiance recueillie, attendrie, endolorie et en appelle, sinon à la danse (le pogo en est-il une ? cela se discute) ou à l’expression corporelle, du moins à une certaine agitation.
L’euro-punk pourrait donc être défini comme un mouvement musical trouvant son climax en 1977 en Grande-Bretagne. Mais pas que. Mouvement politique, aussi, exprimant une révolte symbolique de la jeunesse, environ dix ans après 68, au moment où la rébellion est armée, en Italie comme en Allemagne. Le punk anglais, celui des Sex Pistols, de The Buzzcocks et des Clash, est cependant bien plus politisé que les précurseurs de ce courant, dont les encyclopédistes nous disent qu’ils sont américains : MC5, Iggy Pop & The Stooges et The New York Dolls. Il est incarné par de jeunes prolétaires blancs. Ce qu’était, jadis, Elvis le Pelvis, celui qui, avec sa coupe de cheveux lettriste issue de Saint Ghetto-des-Prêts, sa voix de crooner à la Caruso et son déhanchement suggestif, avait fait la synthèse entre le rhythm and blues d’un Louis Jordan et le hillbilly boogie d’un Hank Williams. Le punk-rock, binaire, n’a en tout cas à voir ni avec le reggae qui commence alors à être payant pour l’industrie du disque, ni avec le rap, composante « grand public » du mouvement hip hop, apparu simultanément.
Si, pour ce qu’il nous a été donné de voir, à moi-même et au docteur es rock Philippe Crespin avec qui j’ai visité l’expo, la danse paraît absente du panorama proposé par la Villette (un chorégraphe majeur comme le Britannique Michael Clark ou, au moins, certains de ses fameux épigones : Karole Armitage, la punkette post-balanchinienne, Régine Chopinot la brunette relookée Gaultier, Philippe Decouflé l’imprévisible, méritaient selon nous de faire partie de cette expo, ne fût-ce que sous la forme d’un clin d’œil), tel n’est le cas ni de la mode, ni du film, ni des arts plastiques, largement représentés. Deux figures importantes de l’art du vêtement sont remises à l’honneur.
Naturellement, la talentueuse et un peu maudite Elisabeth de Senneville dont on peut admirer des T-shirts irisės, et bien sûr la papesse de cette nouvelle religion, Vivienne Westwood qui, avec son compagnon, le post-situationniste Malcolm McLaren, décident d’aller à contre-courant, et de jeter par-dessus les moulins les oripeaux de la fripperie hippie des seventies. Des pièces uniques, des T-shirts punk bricolés main, sont exposés à plat dans des vitrines comme s’il s’agissait de précieux manuscrits ou de diadèmes princiers. Cette période minimale, basique, d’arte povera lance un anti-look, un anti-chic, un anti-rock qui finira par supplanter la mode précédente en la ridiculisant et la démonétisant. Sans parler des accessoires, dont certains serviront d’emblèmes au mouvement : chaînes, rasoirs, épingles de nourrice, et des pratiques tribales de tatouage, décoiffage et autres piercings.
On est accueilli au son du rock. La boutique de disques diffusait le jour de notre visite le « My Way » revu et corrigé par les Sex Pistols. Dès l’entrée de l’expo, on retrouve
Nous avons enfin eu le plaisir de rencontrer Kiki Picasso qui fait partie, avec Olivia Clavel, Lulu Larsen, Bernard Vidal et Loulou Picasso, T15-Dur et Jean Rouzaud, du collectif d’artistes illustrateurs Bazooka dont on a accroché aux cimaises ou couché sous verre des dessins originaux, des pochettes de disques et des couvertures de magazines et de livres. Ce groupe détourna graphiquement le journal Libération, avec l’accord bon enfant de la rédaction, en l’enluminant à plusieurs reprises de trouvailles plastiques venant recouvrir la grisaille et la titraille banale, quotidienne du quotidien, ce, au moment du bouclage – ce travail « underground » étant forcément nocturne. Bazooka, avec bien d’autres graphistes de l’époque (cf. Faits Divers, un fameux collectif lyonnais animé par Robert Ashoury) et, bien sûr, avec Jamie Reid, le peintre anglais qui signa les premières affiches des Sex Pistols, ont produit une iconographie du mouvement, qui est, selon nous, loin d’être périmée. Telles furent donc les riches heures du punk.
Et plus si affinités
http://www.citedelamusique.fr/francais/evenements/europunk/europunk.aspx
http://www.citedelamusique.fr/minisites/1310_europunk/index.asp