Farenheit 451 à rebours… C’est l’impression générale qui ressort des 131 minutes du film La Voleuse de livres.
Le mystère du savoir dévorant
Les références que sont Emily Watson et Geoffrey Rush, le sourire de Ben Shnetzer, la blonde ferveur de Nico Liersch et la lumineuse quiétude de Sophie Nélisse (future très grande actrice sans conteste aucun) : il fallait ce casting pour porter à l’écran le propos inspiré par le roman de Markus Zusak. Avec Mickael Petroni à la réalisation, ce film touchant évolue entre récit historique, parcours personnel et conte merveilleux. l’intrigue prend corps pour exprimer ce mystère incomparable du savoir dévorant qui soulève les montagnes.
Et qui combat les fanatismes, envers et contre tout. Car nous sommes humains et nés curieux, avides de rêves. Dans cet enfer du nazisme, Liesel incarne cet appétit, blonde petite Eve qui croque le fruit interdit de la connaissance en dépit du danger. Courageuse, prudente, consciente de la folie qui l’entoure. À ses côtés, des parents adoptifs prévenants et courageux sous leur air revêche, qui la protégeront jusqu’à la mort, un frère de circonstance, juif clandestin caché dans une cave, qui l’ouvrira aux beautés de l’imagination, de la langue et de l’écriture, une femme cultivée et riche, bonne fée marraine qui lui donnera accès à la bibliothèque de son fils disparu au combat.
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Doute, refus et résistance
Héritage, préservation, transmission, comme un don qu’on réclame de tous ses vœux : en se penchant sur l’autodafé encore fumant, en récupérant un livre brûlant qu’elle cache sous son manteau, en écrivant sur les murs de sa cave une encyclopédie malhabile, Liesel fait acte de doute, de refus, de résistance. Elle n’est pourtant pas une intellectuelle et ses proches non plus. C’est d’ailleurs là la force du film, de nous montrer des quidams, des voisins, des gens du commun, pas des artistes ni des politiciens, mais Monsieur et Madame Tout le Monde, embarqués dans cette tornade de déshumanisation dont ils entrevoient la chute fatale.
Incapables de réagir face aux violences qui les entourent, tous sont sidérés, rongés de peur à l’idée d’être dénoncés, accusés, détruits. On retrouve dans ces images un peu de l’ambiance de la pièce de Brecht Splendeurs et misères du IIIᵉ Reich, quelque chose du Journal d’Anne Franck, quelques étincelles de la magie à l’œuvre dans La Vie est belle de Benigni. Le décor de cette rue Paradis (nom de prédilection, n’est-ce pas ?) tient à la fois de la reconstitution et du village à la Disney, les enfants courant, jouant au ballon, y insufflent cette éternelle candeur qu’aucun totalitarisme ne pourra déraciner. Même la Mort, narratrice qui suit Liesel comme un ange protecteur, est tranquille, discrète et bienveillante. Et cela fait du bien.
Et plus si affinités