Il s’appelle Baran, il a la trentaine, les yeux verts, un goût prononcé pour le rock et Mozart, un flingue au côté et un long passé de résistant.
Elle s’appelle Govend, elle est belle comme le jour, intelligente, éduquée, indépendante et musicienne.
Ils se rencontrent, dans un village paumé à la frontière de l’Iran, l’Irak et la Turquie … this sweet pepper land :
Une love story donc, mais au Kurdistan, pays à peine indépendant au terme d’années de luttes sanglantes, pays enfermé dans des traditions ancestrales et un système féodal qui autorise toutes les déviances mafieuses. Un pays à construire donc, au plus vite et d’une main de fer, pour y imposer les piliers de la modernité démocratique : ordre, loi, sécurité, enseignement, égalité.
Une tâche ardue pour ces deux jeunes gens convaincus du bien fondé de leur mission, l’une institutrice, l’autre officier de police. En face d’eux, un seigneur de la guerre aux méthodes expéditives entouré de sbires au comportement barbare, des parents coercitifs qui sont obsédés par l’idée du mariage dans le respect des coutumes séculaires, un pouvoir inexistant dans une atmosphère de corruption et de pression, des femmes obligées de prendre armes et maquis pour conquérir leur liberté au prix de leur vie, des mômes en demande d’apprendre mais qu’on ne laisse pas aller à l’école …
Autant vous dire que nos deux héros vont avoir du pain sur la planche et du fil à retordre pour dépasser tout ça et construire un socle social solide. Pour marquer cette difficulté, le réalisateur Hiner Saleem abat la carte du western, exploitant les codes esthétiques du genre, assimilant ainsi l’atmosphère de ce pays tout neuf à la violence qui régnait au Far West. Animé d’un sens aigu de l’ironie, il commence par une scène de pendaison entre burlesque et ignoble, mais qui a le mérite de poser directement et de façon musclée la problématique du film : comment s’y prendre pour poser des institutions fortes et les faire respecter, dans un pays dévasté par les guerres et le crime organisé, sans pour autant tomber dans une sauvagerie autoritariste ?
Servi par Golshifteh Farahani et Korkmaz Arlslan, des acteurs d’une très grande justesse, le propos évolue entre poésie de la relation amoureuse, beauté de paysages sans pitié, rudesse des mœurs et violence des rapports : et bien sûr la solution au problème surviendra par surprise et de façon expéditive, relançant la délicate question de l’enfantement du progrès dans le sang. Le prix à payer pour toute révolution ? Le film a le mérite d’interroger de manière simple et sans ambiguïté ni chichi le chemin à prendre pour changer un système ancré depuis des centaines d’années. My sweet pepper land constitue le microcosme idéal pour y étudier les mécanismes d’une mutation sociétale à l’œuvre et en faire comprendre les rouages.
Et plus si affinités