En racontant la passion de la poétesse Elisabeth Bishop et de l’architecte Lota de Soares, Bruno Baretto ne voulait pas s’enfermer dans le schéma restrictif du biopic. De fait, le réalisateur de ce véritable petit bijou d’émotions qu’est Reaching for the moon réussit à désenclaver cette histoire de sa gangue biographique pour lui prêter les dimensions d’un amour universel.
Une passion impérieuse et irrépressible
Nous sommes dans les années 50. Rongée par l’alcool, le doute et la mélancolie, Elisabeth Bishop part rejoindre une amie au Brésil, pensant ainsi y retrouver l’inspiration. C’est l’amour qu’elle y rencontrera, une passion impérieuse et irrépressible avec la flamboyante Lota. Pourtant, la première rencontre n’a rien d’un coup de foudre, les deux femmes s’opposent, la poétesse maladroite et introvertie, l’architecte directe et sûre d’elle. La Lune et le Soleil, finalement vont se séduire et s’aimer. Puis se perdre.
C’est à ce niveau que le film se détache du récit biographique pour questionner le mystère des peurs affectives et la manière dont ces sentiments peuvent alimenter des créativités artistiques. Car Lota et Elisabeth ont ceci de commun qu’elles sont des artistes ; par leur art, elles captent des impressions, les restituent, les communiquent. Plénitude, chagrin, joie, l’une parle avec des mots qu’elle cherche dans le tréfonds de son âme percluse de deuils, l’autre dans l’acuité scrutatrice du regard qu’elle porte sur un monde à enrichir de ses constructions.
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Ensemble magnifique, un enseignement amer
Peu importe que cette relation soit homosexuelle, ce n’est pas la finalité de cette œuvre que d’en disserter. Il s’agit bien plus, comme le signale le titre, de saisir cet élan de dépassement que l’amour enclenche, inspirant évolution et défi dans l’envie de créer. Au cœur d’un Brésil foisonnant et lumineux, structures poétiques et bâtiments esthétiques se répondent comme un chant à deux voix, un dialogue amoureux, sensuel et profond. Progressivement, les deux héroïnes se métamorphosent, dévoilant leurs failles et leurs forces.
Filmées dans des décors de rêve, entre jungle prolixe et musicalité de Rio, Miranda Otto et Gloria Pires incarnent à merveille ce couple fascinant et attachant, pris dans ses convictions et ses oppositions, tandis que Tracy Middendorfr et Treat Williams endossent avec ce qu’il faut de présence les rôles secondaires qui rehaussent l’éclat des héroïnes.Le tout compose un ensemble magnifique et savoureux, même si ses enseignements sont amers, et la chute poignante. A ce titre, Reaching for the moon est l’un des films les plus réussis et les plus intelligents que nous avons pu visionner cette année.
Et plus si affinités
Le film Reaching for the moon est disponible en VoD.