Alexandre Yersin : de cet homme, il demeure une tombe perdue dans les collines du Vietnam, quelques souvenirs dans un musée, et le nom de la maladie la plus meurtrière de tous les temps. La peste. Yersinia pestis. Et derrière cela, la vie d’un aventurier des temps modernes, que nous conte le roman Peste et choléra.
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Un savant doublé d’un technicien de génie
Patrick Derville y dépeint le parcours d’un savant doublé d’un technicien de génie, touche-à-tout absolu qui relève les défis les plus audacieux, même celui d’explorer cette jungle vierge et inhospitalière de l’Indochine tout juste colonisée. Ces terres qu’il découvre, il en fera un paradis agricole, un gigantesque centre d’expérimentation en matière de vaccin, d’horticulture et d’élevage. Exploitation du caoutchouc, acclimatation des orchidées, construction des routes, installation du télégraphe …
A lui seul, cet homme ouvre le pays à la modernité : c’est le véritable sujet de ce roman absolument passionnant, rédigé au scalpel comme un rapport d’anatomie. Au fil des pages, au fil de la biographie, cette période exceptionnelle prend corps, ces quelques années où la science érige son règne au travers de Pasteur et Koch. Découverte du processus des maladies et mise en action de leur traitement se déroulent tandis que le cinéma, l’automobile et l’avion voient le jour.
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La marche formidable du progrès
Peste & Choléra dresse le portrait de cette époque, évoquant les grands auteurs Rimbaud, Cendrars et Céline comme jumeaux littéraires de cet aventureux Yersin, pourtant peu friand d’art. Dreyfus, Clémenceau, Doumer, Hitler, la colonisation, les guerres mondiales, le stalinisme, … les figures historiques et politiques rappellent par ailleurs que la marche formidable du progrès s’accompagne toujours d’une régression inacceptable et fatale vers la barbarie absolue.
Yersin de son œil observateur et lucide scrute ce clivage comme il le ferait d’un ganglion pesteux, sans passion ni affect, tandis qu’il opère dans l’ombre au bien de l’humanité. Et on se demande ce qu’il dirait de ce nouvelle pandémie, de ce monde ultra-moderne, ultra-connecté, mais totalement démuni face aux forces de la Nature qu’il n’a finalement jamais domptées.
Et plus si affinités