En fait, nous ne vous avons pas tout dit sur le beau domaine de Chaumont sur Loire. Nous avons gardé le meilleur pour la faim. Et ce n’est pas ici un jeu de mots mais une vérité. Car en ces lieux où l’on trouve des jardins pensés comme des œuvres d’art et des œuvres d’art inspirées des jardins, il semblait logique que la fête des sens et de l’esprit s’enivre de couleurs, de formes, de textures, de parfums et de saveurs. Espace de vie, le domaine s’ouvre à la cuisine et à la gastronomie : Salon de thé du Château, café du Parc, Comptoir Méditerranéen … les visiteurs de Chaumont sur Loire se voient offrir différentes formules de restauration, depuis l’en-cas jusqu’au buffet, avec toujours des légumes et des fruits à profusion puisque nous sommes ici au royaume des jardins, et que le produit de la terre y trouve sublimation gustative jusque dans les succulents sorbets du Palais des Glaces, dont les fragrances mêlent l’ortie, la verveine, le géranium avec les classiques de la fraise ou des agrumes.
Pour l’heure, c’est le Grand Velum qui nous intéresse. Installé sous une serre spacieuse, le restaurant du domaine se définit comme un « atelier de création culinaire et gastronomique » qui approfondit le voyage visuel entrepris par le festival en y apportant une touche de saveurs. Il s’agit d’explorer la thématique du festival, en l’occurrence pour la session 2014, les péchés capitaux, au travers d’un menu pensé par Francois-Xavier Bogard, consultant en confections culinaires. Le sujet est riche d’émotions pour les esprits imaginatifs et Hémart répond avec beaucoup de verve à ses confrères paysagistes en proposant une carte très inspirée où voisinent les épices rares, les plantes surprenantes, les associations incongrues et justes. Au cœur de chaque plat, le produit demeure le souci principal, frais et goûtu, original et de qualité, bio et sain. Le potager et le verger du château ne suffiraient pas pour élaborer les quelques 80 000 repas préparés dans les cuisines chaque saison. Aussi c’est dans le grand jardin que la région que le chef va trouver les éléments qui vont enchanter sa cuisine.
Et c’est ainsi que cette année La Gourmandise va devenir au choix un « Carpaccio de magret et cuisse de canard cuisinée à la livèche, purée de pois chiches monté au foie gras et haricots verts al dente, quelques oeufs de caille pour accompagner » ou dans sa version dessert un « Mille feuille de Fromage de chèvre “crottin de Chavignol”, crème du même fromage, pain de mie toasté et gelée au Sancerre, aubergine glacée et émulsion de tomate « coeur de boeuf »comme accompagnement », L’Orgueil va prendre corps comme un « consommé de crevettes parfumé au galanga, pâtes udon et chou pak choï sautées aux crevettes à la coriandre fraîche, croustillant et granité au wasabi » ou un « sablé à l’hybiscus, mousse légère au praliné lacté et citrons confits, fruits confits servis en crème glacée, des pêches de saison parfumées au poivre Timut ». Les mots ici importent autant que la saveur, les jardins toujours ont attiré les femmes, les gastronomes, les poètes et les philosophes. Philosophie de l’assiette : les plats qu’on nous sert sont tous pensés comme des expériences, des enseignements. Des fables gastronomiques dont la morale prend corps à la dernière cuillère, quand la saveur demeure sur la langue après la dernière bouchée :
– C’est tout d’abord un gaspacho de melon délicatement souligné de verveine et rehaussé de chips de jambon italien qui stimule nos papilles et éveille notre attention.
– L’ENVIE alors nous saisit sous la forme d’une « Timbale tiède de petits légumes de saison (fenouil, carotte fane, tomate cerise, radis, blette) godiveaux de veau à la sauge ; viande séchée et jus de veau à la verveine et olives vertes ; un trompe l’œil qui cache la délicate quenelle de veau sous la chromatique veloutée des légumes, dans l’osmose du jus, piqué par l’olive ensoleillée.
– Puis LA PARESSE nous prend, une papillote simplement pliée où repose à son aise un suprême de volaille parfumé au thym et au romarin, sous sa couverture de polenta aux shiitakes, pétales de poivron doux, jus de volaille aux olives noires ; la recette par sa saveur illustre l’idée de « paresser », prendre son temps pour détecter chaque saveur, et profiter.
– Enfin LA LUXURE apporte sa conclusion épicée et aphrodisiaque construite en triptyque avec au cœur des trois desserts l’abricot comme une gloire orangée et juteuse, préparé comme un biscuit amande au curry nommé Aphrodite accompagné d’une mousse légère au chocolat blond, des abricots rafraîchis à l’alcool et une écume abricot parfumée au cachaça.
En un repas, le jardin a repris ses droits, son sens, sa valeur. Il est lieu de vie, de sensation, de création, d’inspiration et d’aspiration. Une respiration sans fin au fil des saisons, dont la signification prend corps ici sur ces tables, sous cette serre, un midi d’été.
Merci à Dominique Jauzenque et à toute l’équipe du domaine de Chaumont sur Loire pour leur accueil.
Merci à Benjamin Getenet pour son regard, son avis et ses conseils avisés.
Et plus si affinités
Album photos de notre visite du domaine de Chaumont sur Loire