Le pitch du film d’Andrea Di Stefano tient en une phrase : « J’épouse la fille, pas sa famille ». Mais Nick pèche peut-être par excès de confiance. En effet, la chose va s’avérer délicate à gérer dans la mesure où ce jeune surfer canadien s’amourache de la nièce de Pablo Escobar, rien de moins. Et voici ce candide qui pénètre à son corps défendant Paradise lost.
Des sables mouvants
C’est ici la grande astuce du scénario que de parachuter dans cet univers mafieux tissé de violence banalisée et camouflée un élément extérieur complètement novice qui découvre l’horreur de la situation au fur et à mesure qu’il s’y englue. Un piège ? Une toile d’araignée ? Des sables mouvants ? Plus il avance dans ses découvertes, plus le jeune héros réalise l’incroyable, lui qui a été séduit par ce père de substitution, protecteur et charismatique.
Ici on apprécie la confrontation entre les deux interprètes, Josh Hutcherson, fragile, innocent, dépassé par le tourbillon d’horreur qui l’englobe soudain, et Benicio del Toro, massif, imposant de calme au milieu de ce clan dont il est le patriarche et qu’il protégera envers et contre tout. L’acteur constitue le pilier du film, incarnant avec discernement les glissements perpétuels de son personnage entre l’humanité du père, du mari amoureux, responsable de sa famille, et le narcotrafiquant ultra violent, meurtrier et tortionnaire, qui a placé le pays en coupe réglée.
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Chasse à l’homme
Car en Colombie les règles sont autres, le pouvoir corrompu et tout peut très vite basculer pour celui qui a déclenché la colère du maître ou tout simplement ne lui est plus d’aucune utilité. Nick va l’apprendre à ses dépens, et la chasse à l’homme dont il va être l’objet éclaire parfaitement ce retournement de situation. Retournement que le spectateur anticipe sans trop savoir comment il va s’orchestrer, au fur et à mesure que le malaise du jeune homme grandit, dès les premières secondes où il entre en contact avec l’univers de sa belle, dans une lumière orangée et poussiéreuse qui augmente la sensation d’oppression.
Le personnage d’Escobar, très vite, va devenir intrusif, par petites touches, tenant les rênes sous des dehors protecteurs. Trompeur, manipulateur, froid et calculateur. Capable d’appeler sa mère pour prier avec elle alors qu’il est planqué en pleine jungle, chantant des balades d’amour à son épouse, ordonnant la mise à mort d’un lieutenant pendant qu’il joue avec sa fille. Paradise Lost approche cette personnalité ô combien ambiguë et psychotique, avide de pouvoir et autoritaire.
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Ce n’est ni Scarface, ni Don Corleone. Et c’est un autre point intéressant : s’il se réclame du cinéma italien et du polar, des films mafieux à la Scorcese, Di Stefano pourtant n’est ni dans la copie ni dans l’influence. Ce premier film, même s’il s’inspire de ces mythes cinématographiques, n’a pas pour objectif de bâtir une figure emblématique, mais plutôt d’en démonter les rouages, d’en saisir les ombres. De réinvestir dans l’humain, pour en dévoiler les véritables démesures. Pas de glorification ni de victimisation, mais l’autopsie d’un mécanisme de banalisation qui absorbe les consciences, anesthésie les révoltes et écrase les individus.
Et plus si affinités