On ne présente plus L’Ecole des femmes, succès incontestable de Molière, référence du théâtre français … et un véritable scandale en son temps. Arnolphe fait d’Agnès sa future épouse en la cloîtrant dans une ignorance complète. Les sentiments ne se contrôlant pas, celle-ci ne devient pas la femme soumise à son futur époux et s’éprend du jeune Horace. De quiproquo en quiproquo l’amour triomphe et Schiaretti sublime et actualise cette référence de notre littérature.
Le duo ne pouvait que fonctionner : Schiaretti – Renucci représente une belle rencontre dramaturgique. Déjà salués par la critique lors d’une précédente association, les deux hommes de théâtre avaient été acclamés pour une magnifique adaptation du Ruy Blas de Victor Hugo. Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France, incarne un Arnolphe à la hauteur. Christian Schiaretti, directeur du TNP récompensé par le Molière du meilleur metteur en scène en 2009, nous enchante avec une lecture drôle et accessible. Ce n’est pas un hasard : Molière n’a jamais été aussi actuel. Les thèmes qu’il traite sont intemporels, les sentiments parfaitement exploités, le rire communicatif. A l’heure de grandes réflexions sur le sexe et le genre, cette pièce nous montre la vision grotesque d’une femme soumise. Tournant dans le répertoire de son auteur, cette huitième pièce introduit la critique de mœurs en se servant du rire comme d’une belle arme.
Le mariage est la finalité de l’intrigue, le but vers lequel tous les personnages aspirent, sujet de comédie, évènement familial et social qui rassemble toutes les inégalités. A l’acte III Arnolphe fait lire à Agnès les « commandements du mariage ». Il ne s’agit nullement rencontre de deux personnes motivées par des sentiments réciproques, celui-ci est au début un simple contrat. La planification à outrance, l’enfermement et les calculs courent évidemment à leur propre perte et surtout à celle d’Arnolphe. Ici tout se finit toujours bien, l’amour triomphe toujours, la comédie est là pour faire plaisir. Le personnage d’Agnès est intéressant, qui, derrière son air d’idiote, nous interroge sur la psychologie du personnage. Bien sûr, la transition de l’ingénue illettrée à la femme accomplie est bien rapide, peu vraisemblable et l’amour comme explication ne nous comble pas. Femme émancipée, accédant malgré son manque d’éducation à une philosophie de vie s’appuyant sur la recherche du plaisir, son ignorance lui fait choisir les sentiments par rapport à la raison. Comme une définition de la maturité, Agnès passe de l’obscurité à la révolte et accède à sa propre dignité, cessant ainsi d’être un objet. Devenant alors libre elle représente un parcours initiatique.
Tout ce cheminement se développe ici dans un décor simple, voir enfantin. Quelques lanternes, des dessins grossiers, des portes s’ouvrant et enfermant. Des décors modestes pour une pièce itinérante qui se découvre dans toute la France. Dans ce dépouillement, les costumes, superbes, sont mis en valeur. L’alexandrin nous porte par sa musicalité sans artifices inutiles. Ainsi, une très belle pièce à la hauteur du talent de Schiaretti, un Molière actualisé et à qui l’on rend un bel hommage. Cette pièce intemporelle continue de faire rire et sourire sans jamais cesser de nous interroger.
Et plus si affinités
http://www.tnp-villeurbanne.com/manifestation/lecole-femmes-octobre-14-15