Faisons simple : depuis deux semaines et l’exécution des caricaturistes de Charlie Hebdo avec les conséquences que l’on sait, nous demeurons en reste devant la déferlante médiatique qui nous a submergés. Une vague d’émotions mais bien peu de réponses ou de pistes dans la redite d’informations, de photos, de vidéos, désormais inscrites dans nos mémoires collectives. Autant être honnête : la chose nous a peu satisfaits. Désireux d’en savoir plus, de comprendre le dessous des cartes, car on maîtrise mieux ce qu’on comprend, nous avons voulu dépasser le cadre du factuel brut pour creuser le pourquoi du comment.
C’est ainsi que pour plus de compréhension sur la valeur de la caricature, nous avons décortiqué l’excellent Fini de rire. En parallèle, nous avons également voulu en savoir plus sur ce qui motivait les tueurs, l’idéologie dont ils se réclamaient. Al Quaida, Aqmi, Etat islamique, les noms reviennent en boucle à la une des journaux, … mais quid des ressorts de ce phénomène ? Parmi les documentaires et les textes que nous avons parcourus pour en savoir plus, La Confrérie – Enquête sur les Frères musulmansa apporté un éclairage digne d’être mentionné à plus d’un titre :
Le documentaire de Michaël Prazan a été diffusé sur différentes chaînes européennes en 2013. Tournée dans le sillage d’un Printemps arabe lourd de questionnements quant au devenir politique des pays du Maghreb, cette enquête sur les Frères musulmans explique pas à pas la gestation de ce groupement, son idéologie, son fonctionnement, la manière dont progressivement il a su s’implanter en Egypte puis dans toute la péninsule arabique. Quand il entame le tournage, Prazan est convaincu que ce mouvement va prendre le pouvoir via les élections en préparation. Au cœur du phénomène un objectif vital, la mise en place de la Charia, la loi coranique, comme modèle politique largement inspiré des influences fascistes subies lors de la création de la Confrérie dans les années 30, sur les ruines de l’empire ottoman disloqué par l’impérialisme colonial.
Salué par la critique, le documentaire vaut par sa qualité, sa rigueur dans la construction, à la fois conçu comme une approche historique et une enquête de terrain. Point de projections ni de préjugés mais une approche dénuée de jugement, objective qui se fonde sur les faits et les actes : le réalisateur suit un fil précis qui se nourrit d’interviews d’historiens, de politologues, de journalistes, tous spécialistes du sujet. Documenté par Karim Kamrani et Kristine Sniede, le propos s’illustre de photos, de documents filmés, d’extraits de prêches, autant de preuves claires, concises et pertinentes dans leur succession, leur enchaînement.
Point essentiel, Prazan, pour construire ce film a rencontré certains membres du Bureau de la Guidance, organe directeur de la Confrérie, des membres illustres essaimés en Egypte, en Syrie, ailleurs dans les différents pôles d’un Califat en progressive restructuration, qui ne dit pas son nom mais qui en reprend les contours et la vocation initiale. Tous ont accepté de le recevoir et de répondre à ses questions. Leurs explications nous permettent de pénétrer leur logique, leur perception et la mission qu’ils se sont octroyée. Confronter le discours officiel de ces cadres et leur mise en application dans les discours et les prêches publics demeure un des éléments pertinents du documentaire qui a plus d’un titre, prend au lendemain des évènements que nous avons récemment vécus, … une valeur prophétique ?