Bon bah elle va pas être facile à écrire cette chronique … que voulez-vous qu’on dise sur le 4eme opus Mad Max, Que c’est génial ? Que c’est spectaculaire ? Renversant ? Dingue ? Barbare ? Tout cela nos confrères l’ont dit, rabâché, hurlé sur tous les tons, … et ils ont raison, car franchement le film vous colle une claque dés les premières minutes, … et ça ne cesse qu’avec le générique de fin. Entre les deux, pas de temps mort, pas de pause, pas de sentiment gnagna, on évite l’incontournable scène d’amour/cul, les tirades foireuses pseudo poétiques à 3 balles, avec la punchline qui servira à agrémenter les mugs, Tshirts et autres goodies du merchandising. Fidèle à lui-même, George Miller nous sert un road movie apocalyptique aux accents d’opéra rock dystopique et jubilatoire, que c’en est un pur bonheur.
Mais pas que … car Mad Max – Fury Road ne peut se résumer à une prouesse esthetico – cinématographique. N’en déplaise à certains critiques (rares mais néanmoins existants), il y a un fond à tout ça, que le réalisateur résume en une phrase adressée à ses collaborateurs, acteurs et techos en amont du film : ′′Imaginez qu’à partir de mercredi prochain, toutes les éventualités dont on entend parler aux infos se concrétisent, toutes au même moment ». Fin du monde, guerres multiples, raréfaction et privatisation des ressources ultimes que sont l’eau et la terre quand le pétrole et l’armement continuent de tout pourrir, maladies généralisées qui appauvrissent l’espèce …Plus de production de masse, plus d’énergie, plus de soins, plus de système social égalitaire, plus d’internet, plus de relations humaines, … on revient à l’aube des temps, une guerre du feu motorisée, … la survie c’est tout.
′′J’ai toujours été fasciné par la façon dont les sociétés évoluent, en s’orientant parfois vers le progrès et en basculant à d’autres dans le chaos » avoue Miller. Avec les horreurs qui dévastent notre planète actuellement, il ne manque pas de sources d’inspiration, et le nouvel épisode des aventures de Mad Max au pays des dingues semble en réaliser une synthèse particulièrement aboutie. Et si les premiers opus de la tétralogie se voulaient des projections, le quatrième prend des allures presque visionnaires, vu l’allure à laquelle notre monde se détériore par notre faute. Alors retour à la case départ, celle d’un temps féodal où règnent les seigneurs et les soldats dans une logique de partage territorial et de diktats odieux ? Pourtant le film propose une ouverture, un espoir, une sortie de crise. La vie trouve toujours un chemin … ici ce sont les femmes. D’aucuns disent le film féministe, … il faut dire que c’est une première dans la série, les personnages du beau sexe y abondent, et pas forcément en position de riot girls, même si c’est l’esprit qui anime ces dames, ce qui n’est pas toujours un confort pour elles loin s’en faut.
Exploitées, écrasées et niées par le système, nous les voyons réagir de manière spectaculaire mais contrastées. Guerrières fragiles, femmes enfants dures comme l’airain, vieilles amazones horticultrices, nourrices felliniennes, mendiantes affamées, toutes veulent échapper à la condition d’objet où ce monde sans merci les a enfermées. On n’obtient rien en étant gentil. C’est donc l’arme au poing qu’elles vont se défendre. Car en face d’elles se trouvent les représentants peu ragoutants d’une société patriarcale sclérosée qui oscille entre le régime fasciste, l’organisation mafieuse et la secte millénariste. Le tout est géré par des figures de proue qui se posent en demi dieux (en les contemplant, on évoque la triade Zeus / Hadès / Poséidon qui se séparaient les mondes céleste, souterrain et aquatique dans la mythologie grecque) mais dont le cliquant ne peut cacher une décrépitude physique qui n’a d’égal que leurs grandes gueules, leur suffisance arrogante et une brutalité crasse.
Au centre, deux mecs qui dénotent par leurs peurs, leurs fragilités, leurs abandons, leurs convictions : Mad Max bardé de ses fantômes et Nux, enfant soldat à la santé précaire. Qui vont faire pencher la balance et aider, à leur corps défendant, à faire le ménage et il y en a bien besoin. L’ensemble de l’équation n’est pas si fantaisiste que ça. Les actrices incarnant les épouses/pondeuses d’Immortan Joe ont travaillé leurs rôles en s’informant sur les viols des femmes utilisés comme technique de guerre. Et que dire du fanatisme suicidaire des War boys qui n’est pas sans évoquer le comportement des terroristes du Djiad. Le film participe de fait d’une fable aux multiples enseignements, parmi lesquels on peut formuler les suivants :
- Faudrait peut-être arrêter les conneries et ne plus rien dévaster, merci pour la planète.
- La femme est l’avenir de l’homme, et de l’humanité … tout autant que l’homme pour peu que ce dernier soit raisonnable et juste.
- En situation de crise, qu’il est facile d’endoctriner les gens, mon dieu.
- Plutôt que fuir vers un eden hypothétique, il faut construire avec ce qu’on a sous la main.
Et c’est exactement ce que l’équipe du film a fait, d’où des bolides absolument incroyables, une foultitude de détails qui rappellent la précision observatrice d’un Van Eyck, des acteurs qui tournent les scènes d’action dans le chamboulement de la conduite (on sent les vibrations des V8 jusque sur son siège de spectateur), une vraisemblance qui rend ce film perceptible par tous à la surface du globe. Peu de répliques, les émotions et les messages passent par les expressions, nous sommes à la limite du film muet, … donc pas de barrière de la langue. Et c’est très bien car ainsi le film se libère d’éventuelles entraves culturelles pour devenir abordable par tous sans exception. Cette facette participe à l’alchimie de l’oeuvre autant que les images, l’intrigue.
En bref et pour faire court, George Miller ici ne reprend pas une recette à succès en surfant sur un mythe qu’il a établi 30 ans auparavant. Il s’offre le luxe de redéfinir la légende, en prenant le pari de placer son héros en position d’adjuvant et non plus de figure principale. C’est en cela que le film, chargé de références multiples, présente tous les facteurs d’une œuvre culturelle, tout à fait à même d’impacter positivement le public et de le sensibiliser à des problématiques sociétales là où de grands discours ne portent plus. Égalité homme/femme, devenir de l’humanité, protection de la planète, montée des intégrismes et des autocraties, du totalitarisme, exploitation des plus faibles, … Mad Max – Fury Road en deux heures trépidantes et irrespirables dénonce toutes ces réalités funestes, mieux que ne le ferait un manifeste. Et de façon beaucoup plus marquante, c’est la la force des apologues.
Et plus si affinités
https://www.warnerbros.fr/communities/mad-max