Eh oui, c’est à Douglas Coupland, auteur canadien de son état que revient l’honneur d’avoir généralisé cette expression désormais incontournable en titrant ainsi son bestseller daté de 1991, faisant écho au nom d’un groupe punk célèbre des années 70 afin de passer au crible le quotidien de ce public né entre les 60’s et les 80’s. Un public qui a fort à faire, pour vivre à peu près convenablement dans une société de consommation où les humains sont écrasés par le mensonge de l’abondance que dictent les Trente Glorieuses.
Paru en 2004, Toutes les familles sont psychotiques aborde ce vaste sujet du point de vue du clan Drummond, dont tous les membres, le père Ted, la mère Janet, sexagénaires divorcés, ainsi que leurs trois rejetons Wade, Sarah et Bryan, proches de la quarantaine, partagent force problèmes de santé, le don de s’attirer des emmerdes pour le moins conséquentes (franchement c’est juste impensable de se coller dans des panades pareilles) et un sens profond de l’ironie et de l’échec social. La seule qui semble s’en tirer avec les honneurs, c’est Sarah, surdouée née manchot, devenue cosmonaute à force d’études et de challenges. Et encore …
La fierté de son papa, le grand amour de ses frangins, la rivale de sa mère ? A la fois vrai et trop simple. Alors que cette bande de dingos se ramène en Floride suivis de leurs conjoints (tout aussi barrés qu’eux, qui se ressemble s’assemble et se reproduit, faut pas louper une occasion de refiler ses névroses à la génération suivante), armes, dettes et bagages, pour assister au lancement de la navette qui emportera la donzelle dans les étoiles, l’occasion est trop belle de complexifier les choses, et l’auteur s’en saisit à bras le corps.
Objectif assumé : montrer à quel point la société dans laquelle les personnages évoluent est aussi barrée que ces oufs irrécupérables qui en offrent un reflet criant. A peine débarqués, les membres de la tribu Drummond s’affrontent, se bouffent et s’adorent, trouvant le moyen de multiplier leurs problèmes tels des champignons sous la pluie. Et Coupland de raconter comment ce weekend de retrouvailles devient une odyssée de la contre culture occidentale, où les valeurs de modernité implosent avec une jouissance édifiante.
Vive, cocasse et sarcastique, l’écriture évoque une ambiance complètement décalée à la Little Miss Sunshine. Le rêve américain en prend un coup d’autant plus sévère que le roman est farfelu à souhait et ne laisse pas un instant de répit dans l’avalanche de catastrophes dont les Drummond vont avoir toutes les peines à se sortir, en se balançant leurs multiples vérités au passage et pour le bien de tous, et du nôtre, car si toutes les familles sont psychotiques, la nôtre n’échappe pas à la règle, et il y a fort à parier que le lecteur se retrouve dans certaines pages, ce qui ne va pas forcément lui plaire … mais devrait beaucoup l’éclairer.
Et plus si affinités
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