120 000 spectateurs et trois jours complets ! Alors qu’il n’a pas encore fermé ses portes, Rock en Seine 2015 fait tomber ses stats : carton plein et plein succès pour l’incontournable qui clôt la saison estivale des festivals musiques actuelles tout en inaugurant la rentrée des classes parisienne. Nous étions sur site, naviguant entre les nuages et la boue du premier jour, le soleil chaud et tropical du deuxième. Histoire de regarder les concerts bien sûr, mais pas que … car un festoche de cette dimension, c’est aussi un thermomètre de l’actu artistique, autant qu’un miroir des tendances et de l’avenir … Qu’avons-nous vu s’y refléter ?
Jungle transversal fever
Est-ce le thème de l’année, entièrement dédié à la jungle, ses feuillages et ses bestioles déclinées en graphisme vert, jaune et noir sur bannières et Tshirts ? Est-ce la prog multiple et riche en poids lourds musicaux ? Est-ce le besoin de se vider la tête et de faire la fête avant de replonger dans la grisaille du quotidien ? Le Parc du Domaine de Saint Cloud a une fois de plus affiché complet : il faut croire que l’éclectisme propre à l’ADN de l’événement continue de plaire.
Comme à son habitude RES a joué la carte du transversal. Le line up affichait tous les styles, toutes les tendances et tous les volumes pour un tour d’horizon de ce qui se fait actuellement. C’est ainsi que l’on a pu apprécier pêle mêle le doom métal de Ghost, l’éléctro pop de DBFC, la brit pop de The Maccabees ou Stereophonics, le rap hargneux de Kate Tempest, les accords enragés de Rodrigo y Gabriela … bref il y en a une soixantaine comme ça, spectaculaires comme The Libertines enfin décidés à se reformer ou plus intimistes comme Bianca Casady & The CIA.
Rentrée en fanfare et révélateur musical
Du rock, de la pop, de la new wave, du psychédélique, du punk, … l’éventail des registres est sinon complet du moins d’une grande richesse, et des émergents s’y distinguent : au côté de meneurs tels The Offspring ou The Chemical Brothers, on trouve Forever Pavot, Pond, Billie Brelock, … S’il ne révèle pas les talents comme peut le faire un FME au Québec ou un Printemps de Bourges en France, RES sait très bien les propulser, offrant des scènes pour cela, depuis l’espace restreint de la région Île de France jusqu’au plateau conséquent de l’Industrie en passant par la Pression Live.
Profitant de la couverture médiatique conséquente (tous les organes de presse parisiens et franciliens sont là, audiovisuel, papier et web confondus, et le relais vidéo a marché à plein tube, pour les pros comme pour le public qui ne s’est pas privé de commenter son expérience sur les réseaux sociaux – le hashtag du festival a bien bien tourné), les jeunes groupes peuvent tirer leur épingle du jeu et ajouter cette étape d’importance à leur pedigree.
« Son du silence »
Une diffusion média à gogo, et tout de même un peu de la filière musique présente avec le village du disque qui abritait plusieurs labels venus montrer leurs prods dont Ground Zero, Born Bad Recordshop ou les représentants du Disquaire Day. L’occasion pour les passionnés de faire leur marché et pour les curieux d’en savoir plus sur les events à venir, les sorties, … et l’état du marché Musiques Actuelles.
C’est ainsi que le samedi a vu la conférence de presse présentant l’opération « Son du silence » orchestrée par les acteurs du secteur pour sensibiliser le public aux réductions budgétaires qui frappent durement l’ensemble des structures de la région IDF. Aux commandes Franck Michaut, directeur du RIF qui fédère ces institutions, souligne qu’environ 50 % de ces dernières ont vu leur budget réduit de manière alarmante. Or les subventions sont vitales pour assurer une continuité culturelle, surtout en période de crise.
« Rock en Seine mon premier festival »
On pourrait prendre la chose à la légère, dire que les milieux culturels ne sont pas prioritaires, qu’il y a d’autres urgences à pourvoir en cette période d’austérité, … C’est oublier un peu vite que la culture est génératrice d’emplois et un formidable levier pour d’autres activités. Il n’y a qu’à voir les queues qui s’allongent devant les débits de boisson et les foodtrucks installés dans l’enceinte du parc de Saint Cloud pour le comprendre, sans compter les restaurants et les commerces de la ville qui se sont mobilisés, les transports, les hôtels … Oui l’activité festivalière est un moteur marchand, partout où elle a lieu, à paris comme en province … un moteur marchand et éducatif.
Lors d’une précédente chronique nous avions évoqué l’espace dédié aux petits, le Mini Rock en Seine destiné aux 6-10 ans, garderie rock où les parents pouvaient laisser leur progéniture et aller slamer en toute quiétude pendant que leurs petits apprennent les rudiments des musiques actuelles tout en s’amusant. Eh bien cette année, un constat s’impose : les parents ont embarqué les gamins avec eux durant les live. Nous avons été impressionnés par le nombre d’adultes qui ont emmené leur pitchounes avec eux, enfants ou ados, pour vivre cette expérience ensemble, la partager. Découvrir que ces musiques sont devenues un patrimoine, une richesse, un élément de culture générale.
Confronter les points de vue, les goûts, les attirances … Pour beaucoup de gosses croisés lors de cette édition, Rock en Seine 2015 est et restera « mon premier festival ». Il est important donc que ce type d’activité perdure, pour que d’autres gamins ici comme ailleurs sur le territoire puissent vivre ces émotions initiales, développer leur écoute et leur esprit critique : sans forcément devenir artistes, ils sont à coup sûr les spectateurs de demain et nous leur devons tous attention et qualité.
Et plus si affinités