L’idée même d’un supergroupe déclenche toujours pas mal de ricanements. Quand les interprètes représentent une possible crème de l’avant-garde actuelle, et que les tags et étiquettes annoncent « musique improvisée », on s’attend à tous les commentaires. Mais lorsque le résultat est bien au-delà d’un avis expéditif, il faut s’attarder sur le phénomène.
Aucune fébrilité de rentrée, d’effet d’annonce, ou de redoutable plan marketing. Terepa a été enregistré en 2014, signé et distribué par le label de Nicolas Jaar (Other People) en juillet dernier, sur 500 picture-disc, où, par effet de transparence, les dessins de chaque participant sont associés. A l’initiative du projet, le musicien et producteur Kohei Matsunaga, qui propose à plusieurs artistes du son, d’enregistrer deux sessions simultanées à Berlin, Los Angeles, Osaka et Paris. Une contrainte : « pas de communication autre que la télépathie » lors de ces deux enregistrements. Exercice austère et périlleux tant pour les artistes en présence que pour l’auditeur.
Lors des toutes premières écoutes, on essaiera bien évidemment de savoir à quel moment, qui est aux manettes, en l’associant à son ou ses instruments.Mais peu importe, car les deux pistes qui s’étendent sur 35 minutes, reflètent avant tout une aventure, voire une exploration musicale hors du commun. Tout commence dans une ambiance d’appartement, où quelques notes de piano cohabitent avec un orchestre lointain : musique diffusée, sample, field recording ? Le mystère reste entier, et ce n’est qu’un début. Car très vite un ou plusieurs drones débarquent, on distingue clairement d’autres instruments. Des nappes de synthés, de l’électronique, de l’acoustique… Des voix, viendront aussi hanter ces plages.
Pour éviter toute accusation de snobisme, nous organiserons notre défense sur la grande sensation d’écouter une musique en totale liberté, quelque chose qui tient sur la durée, et qui repousse les limites de notre attention. Si le tout a sans doute été peaufiné, remanié, « masterisé », c’est pour l’auditeur une écoute réellement stimulante, qui risque de le transformer en chasseur de sons. En explorateur, toujours surpris, après nombre d’écoutes, par la qualité inépuisable de ces sessions. Une autre façon d’envisager les métropoles ultra-connectées, une nouvelle remise à plat des certitudes sur ce que la musique doit être ou devenir en 2015. A défaut d’être tout à fait inédit dans son idée, Terepa propose un disque hors du monde, apparemment isolé, mais qui s’écoute pourtant comme un très bel écho de notre époque.
Et plus si affinités
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Terepa implique par ordre alphabétique : Rashad Becker, Charlotte Collin, Lucrecia Dalt, Laurel Halo, Julia Holter, Kohei Matsunaga et Grégoire Simon.