Depuis quelques temps, on parle beaucoup de révolution … sur les médias, les pages Facebook, Twitter, les commentaires, les fils d’actu … et les références au grand tournant de 1789 de pleuvoir, éclairant notre actualité pour le moins troublée à la lumière des événements qui conclurent le XVIIIeme siècle français dans un formidable élan de renouveau, un bain de sang et un Empire. Problème : sur la Révolution française, on dit un peu tout et n’importe quoi. Exemple : on pense savoir vaguement que le 14 juillet, fête nationale française où défilés militaires, bals et feux d’artifice s’enchaînent dans une ambiance de flonflon, célèbre la prise de la Bastille et la chute de la Monarchie absolue. Certes certes … mais encore ? Il est temps de parcourir la saga La Révolution.
Un projet pharaonique signé Margerit
Des approximations de ce genre, notre connaissance de la Révolution en est constellée, qui déforme largement notre perception d’un mouvement complexe, où les forces en présence furent nombreuses, agissant dans l’ombre pour récupérer le pouvoir. Ainsi on passe sous silence l’influence néfaste qu’eurent les deux frères de Louis XVI jaloux de sa couronne, qui alimentèrent les campagnes de diffamation avec un entrain et une imagination certaine.Y voir plus clair sans mettre le nez dans des ouvrages historiques complexes et dissuasifs ? C’est possible et même souhaitable : et pour ce faire, vite vite, rendez-vous en librairie ou en bibliothèque pour récupérer les quatre volumes qui composent la saga La Révolution : L‘Amour et le Temps, Les Autels de la peur, Un vent d’acier, Les Hommes perdus.
Aux commandes de ce projet pharaonique, Robert Margerit qui consacra 10 ans de son existence à rédiger cette fresque digne des feuilletons télévisés les plus haletants. Au cœur de son récit, Bernard Delmay et Claude Mounier-Dupré. Issus de la bourgeoisie de province, ils vont gravir les échelons sociaux, l’un comme militaire, l’autre comme député. Beaux-frères au civil, ils nous permettent, d’aventures en péripéties (nombreuses, les temps sont pour le moins troubles, et les dangers multiples) de pénétrer les arcanes de cette Révolution dont les mécanismes excèdent de loin la simple répartition manichéenne entre gentils et méchants. Nous assistons ainsi aux grands moments qui firent ces dix années de lumière et d’ombre, qu’on ne peut résumer à la prise de la Bastille ni à la Terreur.
Une famille éprouvée par la violence de la Révolution
De 1789 à 1799, alternent de grands embrasements, des victoires, des régressions, des massacres, des combats, des avancées et des défaites dont Margerit scrupuleusement relate l’enchaînement, en donnant vie à chaque instant. C’est du reste la force de cette série que de vivre les événements du point de vue de personnages dont les liens familiaux sont mis à l’épreuve par la violence du temps. Dans leur sillage, les figures historiques de Danton, Robespierre, Louis XVI et consort y gagnent en humanité, retrouvent l’émotion et le relief que les livres scolaires ont effacé dans la lourdeur des programmes à acquérir. La Révolution fut affaire d’hommes et de femmes, d’êtres humains aux aspirations et aux parcours complémentaires par instant, contradictoires à d’autres. Il est bon de s’en rappeler.
Les passages forts abondent : les nuits que Mounier passe à l’assemblée constituante pour y produire les lois qui cadreront le nouveau régime, l’orchestration des massacres de Septembre, notamment la mise à mort de la princesse de Lamballe, le récit épique des batailles navales qui opposent la France et l’Angleterre, la mort de Léonarde, sœur de Bernard, guillotinée en moins de 24 heures pour avoir oser critiquer l’économie désastreuse mise en place par le gouvernement révolutionnaire … Les instants poignants ne manquent certes pas et Margerit sait y faire pour augmenter l’intensité, le suspens, l’attente, jouer des réactions du lecteur, l’emporter avec lui dans la tourmente, vivre chaque moment avec une rare vibration par les yeux de ces personnages du quotidien auxquels on s’attache forcément car ils sont nous.
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L’auteur écrit ces 2000 pages dans les années 60, mais elles n’ont pas pris une ride, et se lisent avec toujours autant de ferveur. Attention, une fois le premier tome ouvert, il y a de fortes chances que vous avaliez les quatre opus à la file, tant l’écriture est addictive, le rythme et l’ambiance de l’époque relatés avec véracité. L’occasion de comprendre une période chaotique où tout a changé, et dont nous vivons aujourd’hui les retombées sans pour autant mesurer l’impact véritable de ces moments. À lire donc, pour mieux cerner la signification de notre société et de notre régime politique tout en se rappelant que ceci est avant tout histoire d’homme.