On se souvient du succès du film Gomorra, Grand Prix du Jury à Cannes en 2008, inspiré du livre du même titre signé de la main du journaliste et auteur Roberto Saviano. Le crime organisé a toujours fasciné le public et les réalisateurs : à ce titre le phénomène Gomorra constitue une véritable mine, qui ne pouvait qu’inspirer les producteurs télé.
C’est ainsi que la saison 1 de la série a déboulé sur Sky Italia en mai 2014, pour s’inviter ensuite sur Canal+ puis Arte où nous la découvrons au hasard d’un repérage. On aurait pu craindre le pire : une redite du film sans les pulsations de la narration croisée initiale, voire une pâle copie sans âme tout juste bonne à capter les aficionados du genre. Mais dés le premier épisode, le feuilleton impose son rythme et son identité propres, sans tomber dans les affres de la séquelle stupide et racoleuse.
https://youtu.be/T80Gcs-LB4E
Au centre de ce récit très accrocheur, la rivalité entre deux parrains, Savastano et Conte. Tous les coups sont permis pour récupérer les différents trafics qui font leur richesse. Les affrontements permanents permettent de détailler la logique de violence qui dicte les rapports entre les groupes. Mais en focalisant l’attention sur Savastano, Stefano Sollima, Francesca Comencini et Claudio Cupellini, les créateurs, vont plus loin que le film en interrogeant les règles dynastiques qui régentent la passation de pouvoir d’une génération à l’autre. En effet l’essentiel de l’intrigue repose sur l’incarcération du chef Don Pietro. Privé de son patriarche, le clan est très vite l’objet de toutes les attaques … et de toutes les convoitises. La course au pouvoir est d’autant plus tentante que l’héritier, Gennaro, n’a guère les épaules de son père et se laisse facilement manipuler. Qui alors l’emportera ?
Voici les grandes lignes qui scandent la succession des péripéties, et elles sont nombreuses. Nombreuses et nécessaires car elles permettent de creuser un peu plus le fonctionnement de ce milieu, ses relations avec celui des affaires, la manière dont la criminalité en col blanc tente de noyauter cette manne, à ses risques et périls du reste … Statut de la femme et notamment de l’épouse ou de la mère du chef, étendue de la corruption, difficile émergence d’une réaction de la part des autorités dont trop peu de représentants refusent de se plier au système, la série étape par étape aborde la réalité d’une mécanique parallèle très implantée mais néanmoins fragile de ses avidités. Une image soignée, des éclairages superbes, des plans très esthétiques, une interprétation d’une grande justesse, d’une retenue extrême, Gomorra s’avère aussi qualitative que prenante, tout en sensibilisant le public à la triste vérité.
Il faut croire qu’elle tape juste. Certaines communes voisines de Naples refusent désormais que l’équipe tourne sur leur territoire. Par souci de restaurer leur image, soit disant … mais vu le nombre de menaces reçues par Roberto Saviano après la sortie de son livre à succès, on peut s’interroger sur le bien fondé de ces raisons. Quoi qu’il en soit, cela prouve que Gomorra la série dépasse le cadre du simple divertissement télévisé pour poursuivre la lancée du livre et du film, et proposer une action éducative qui déplaît, dérange … et défie.
Et plus si affinités