J’étais partie pour chroniquer cette série en mode « Changeons-nous la tête » mais au final Graines d’étoiles prend une saveur toute particulière en ces temps de questionnement politique : c’est qu’on y découvre le long, douloureux et exaltant parcours des élèves de l’École de Danse de l’Opéra National de Paris, en l’état la meilleure au monde, la plus convoitée, la plus dure à intégrer, mais également la plus reconnue.
Échec ou célébrité, tous n’entreront pas dans le prestigieux Corps de Ballet, ils le savent, l’acceptent ; pendant les années de leur formation, jamais ils ne lâchent, conscients néanmoins que leur carrière ne tient qu’à un fil : des formes trop prononcées pour les filles, une taille trop petite pour les garçons, pas assez de rythme, de grâce, de technique … toujours en recherche de progrès, façonnant leur plastique, renforçant leur musculature autant que leur sensibilité artistique, ces enfants grandissent, dans ce cocon artistique installé aux portes de la capitale à Nanterre.
De 11 à 18 ans, les élèves sélectionnés rigoureusement et sans pitié y suivent un enseignement hérité du XVIIeme siècle, quand Louis XIV eut l’idée de fonder cette académie, lui qui aimait tant la danse et en fit un art d’excellence autant qu’un outil de médiatisation du pouvoir. Porteurs d’un véritable patrimoine culturel, ils apprennent, sans relâche, chaque jour, le matin les matières intellectuelles destinées aux examens du brevet et du baccalauréat, l’après-midi les différentes disciplines qui émaillent le monde si riche de la danse.
Au bout du chemin, devenir danseur étoile, être engagé dans une autre compagnie, avoir acquis un savoir incommensurable, le sens d’une rigueur extrême, l’originalité du geste, incarner une esthétique, une élégance typiquement françaises … devant la caméra de Françoise Marie, nous les voyons évoluer une année durant, entre cours, répétitions, ateliers, représentations, … ils nous confient leurs impressions, leurs peurs, leurs espoirs, leur mode de vie dans un internat vécu comme une très grande famille de frères et de sœurs.
Que retenir de ce voyage ? Que la danse est sévère, que la légèreté et la nonchalance, la facilité n’y ont pas leur place. Sous les sourires de façade, les heures de travail, la souffrance physique, l’anxiété du renvoi persistent ? Que cet art, sous les tutus et le maquillage, est un des plus physiques qui soit, qu’il implique puissance, justesse, précision et force ? Que la danse française par l’exigence de sa formation rayonne ainsi à l’international comme un véritable phare, dépositaire d’une Histoire, de la mémoire d’un autre temps ?
En six épisodes passionnants, la réalisatrice fait voler en éclat les croyances et les préjugés sur le sujet. Attachants, troublants même par leur implication, leur clairvoyance et leur maturité, ces adolescents, venus parfois de l’autre côté du monde, nous donnent une véritable leçon de constance, d’entraide et d’abnégation. A l’heure où beaucoup mettent en cause la culture et son coût, doutant de son utilité économique et sociale, Graines d’étoiles démontre sans contestation possible combien les arts vivants jouent un rôle essentiel dans la formation des individus comme dans l’impact international d’un pays.
Et plus si affinités
http://www.arte.tv/guide/fr/045931-001-A/graines-d-etoiles-1-6?vid=045931-001_PLUS7-F
http://boutique.arte.tv/f8376-graines_etoile_serie