Wolf Hall: le berceau des Seymour. Une famille de nobles anglais dont la douce fille Jeanne aura l’heur de plaire au roi Henry VIII, deviendra sa troisième épouse et enfantera le futur Edouard VI. Un garçon enfin, un prince héritier pour transmettre une couronne vacillante sur le front d’un monarque absolu qui n’engendre que des filles alors qu’il impose la branche Tudor sur le trône d’Angleterre.
Consolider la dynastie à tout prix
Nous sommes au début du XVIeme siècle humaniste et renaissant : la Grande Bretagne se remet péniblement de la Guerre des Roses qui confronta les York et les Lancastre. Au terme de ces conflits fratricides, les Tudor raflent le pouvoir en la personne d’Henry VII. Son fils doit consolider la dynastie à tout prix. Pour cela il faut un fils, que ses deux premières épouses successives s’ingénient à ne pas lui donner. Il lui en faudra six, qu’il répudie ou exécute au gré de sa fantaisie et des remous de la politique étrangère. En six épisodes d’un luxe et d’une justesse inouïs, Wolf Hall – Dans l’ombre des Tudors nous conte le début de cette épopée du point de vue de l’homme de l’ombre : Thomas Cromwell.
Homme du peuple, fils de forgeron, parti apprendre la vie en Italie d’où il revient pour entrer au service du cardinal Woolsey, intrigant et fin stratège. Cromwell assiste, impuissant, à la chute de son protecteur, provoquée par la manipulatrice Ann Boleyn, qui prend la place de Catherine d’Aragon, la première épouse. Il fomentera la perte de cette nouvelle reine, conduite à l’échafaud, et l’ascension de la très humble Jeanne. Tout en bâtissant une Angleterre autonome, riche et anglicane, en rupture de ban avec l’Église catholique et le Pape. Films et feuilletons le présentent toujours comme le « méchant » de l’Histoire, froid, austère, avide. Peter Kosminsky lui rend justice en le montrant humain, raisonné et compatissant.
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Thomas Cromwell : inventer la diplomatie moderne
Le réalisateur de cette série adaptée des romans Wolf Hall (2009) et Bring Up the Bodies (2012) de Hilary Mantel raconte le règne d’Henry VIII du point de vue de cet éminent politicien qui invente la diplomatie moderne en mettant en application les préceptes de Machiavel. La leçon est d’autant plus édifiante que le personnage est interprété avec une finesse exceptionnelle par Mark Rilance. Visage émacié, regard distant, sourcils à peine froncés, l’acteur campe ici un condottiere dans la plus pure tradition, un homme de main qui conquiert le pouvoir par l’intelligence, la psychologie, le savoir, avec en perspective l’idée de venger son maître injustement sali.
Oubliez le caractère spectaculaire, sanglant et sexuel de la fresque des Tudors tournée par Michael Hirst : cette nouvelle version, chaperonnée dans la grande tradition de la BBC, sans jamais verser dans le scabreux ni sacrifier l’émotion de l’intime, se concentre uniquement sur les étapes d’une prise de pouvoir patiente mais tenace, orchestrée en coulisses dans le sillage d’un souverain ombrageux et instable : Damian Lewis prête à Henry VIII une fragilité à fleur de peau qui peut éclater en violentes colères, en froides cruautés. Les deux acteurs se complètent parfaitement, en opposant leurs attitudes dans un ballet idéologique troublant qui offre une approche moderne, à comparer à celle tout aussi passionnante du téléfilm Les Six femmes d’Henry VIII, daté de 1970.
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Atmosphère réaliste et intimiste
On appréciera par ailleurs le travail des costumes, des décors et des lumières : tournés dans les manoirs et les châteaux de l’époque, les six épisodes privilégient les éclairages naturels et la lumière des flambeaux, d’où une atmosphère encore plus ouatée et intimiste. Quant au mobilier, il est respectueux de cette période, tout comme les accessoires, les tentures, la disposition dans les intérieurs. Idem pour les habits, le travail des tissus, la constance du thème de la broderie, activité chère aux anglaises d’alors et dans laquelle elles excellaient. On pense aux peintures de Van Eyck, de Metsys et d’Holbein bien sûr : ainsi la bague que lui offre Woolsey en guise d’amitié est-elle directement inspirée de celle arborée dans son portrait.
Réaliste, fidèle, remarquablement jouée, Wolf Hall analyse avec précision et sans grandiloquence les différentes étapes qui firent basculer Albion dans les Temps Modernes. Effaçant la violence physique, la série met en exergue la brutalité des rapports de force tandis que les courtisans s’arrachent le pouvoir comme des chiens de chasse dévorant une bête abattue. C’est peu dire que la démonstration est efficace. Et qu’elle appelle une suite, pour continuer de disséquer l’ascension de ces étonnants personnages.
Et plus si affinités
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