Dans le cadre de la série de spectacles Syrie que j’aime, l’Opéra de Lyon met en lumière ce pays meurtri en plein cœur de l’actualité. Avec trois concerts et une magnifique exposition photo intitulée Syrie – Des Mots pour refuge, l‘hommage rendu à travers l’art est remarquable. Il ne s’agit pas de dépeindre un pays souffrant et affaibli ; c’est l’histoire et la richesse de la Syrie qui sont ici mis en avant pour ne pas oublier la grandeur de cette région. Berceau du monde, au rayonnement autrefois remarquable et aujourd’hui remarqué à travers le drame, la « grande Syrie » nous livre un nouveau visage.
Ce vendredi 11 mars au soir à l’auditorium, c’est un spectacle hors du temps qui se joue sous nos yeux. Le chanteur Ibrahim Keivo berce cette douce soirée des chants de la Djezireh. Artiste descendant d’une famille arménienne ayant survécu au génocide, sa musique est un parfait assemblage de culture. Les chants se suivent et ne se ressemblent pas, la diversité est représentée, les airs kurdes, arméniens, syriaques fondent ce spectacle. C est en effet une musique qui cohabite et qui restitue à merveille le style de chaque culture. Cette région de l’ancienne Mésopotamie est une partie fertile de la Syrie et à été marquée par une diversité de population remarquable. Construite sur un ensemble de peuples, dont beaucoup ont fui les massacres, on retrouve des kurdes, des syriaques, des arméniens. Cosmopolite et extraordinaire, la musique de Keivo rassemble les chants traditionnels de ces différents peuples.
Au rythme du bouzouki arabe, c’est un moment extraordinaire qui a lieu en ce vendredi soir. Dans le très classique Opéra de Lyon, l’espace d un instant l’Orient s’invite. Tout d’abord parce que nombreux sont les spectateurs qui parlent arabe entre eux, on se comprend même si on ne parle pas exactement le même dialecte, on est heureux de se retrouver. « Sarten » et « Yalla » s’échangent dans la bonne ambiance générale. Entraîné par les rythmes traditionnels, on tape dans ses mains, les femmes se lèvent même pour entamer une danse traditionnelle. Fermons les yeux, l’espace d un instant on s’y croirait presque.
Adonis, poète syrien nous enchante par ses vers : « L’univers ne cessera de pleurer / Et de sécher ses larmes / Avec les corps assassinés / Jusqu’au jour où tu donneras / Ton corps comme ma terre / Au bras de l’Aube. » A l’image de cette poésie, blessée et résiliente, Keivo nous enchante par son sourire et la chaleur de ses musiques. A côté des photos des réfugiés ayant fui vers le Liban ou la Jordanie, le festival Syrie que j aime ne cherche pas à attirer la pitié. Conscient du malheur actuel de cette guerre qui n’en finit pas, le public peut surtout découvrir ce soir le sens de l accueil, la joie et la capacité de résilience de ces syriens qui se battent pour survivre.
L’art n‘est il pas la meilleure manière d’exhumer le beau du drame ? Évidemment, le peuple souffre, les gens fuient, les œuvres d‘art, les monuments sont détruits … mais les chants continuent de résonner. Quel plus bel hommage à cette culture que de continuer à danser, chanter et jouer de la musique pour ne pas oublier. Gibran Khalil Gibran le philosophe libanais écrivait dans son œuvre majeure Le Prophète : «Quand l‘amour vous fait signe de le suivre, suivez-le ». Eh bien ce soir à plusieurs milliers de kilomètres de la Syrie, à l Opéra de Lyon, quand la musique vous fait signe de sourire, souriez !
Et plus si affinités
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