Tout avait réellement commencé avec la projection de The Intruder (1962) présenté par Roger Corman. Séance cruciale, car on ne peut plus d’actualité, à l’approche des élections présidentielles américaines. Ici, la série B est sans concession. Loin de son image héroïque, William Shatner incarne un tribun raciste qui, dans les années cinquante, tente de monter la population contre l’arrivée des élèves noirs dans un établissement réservé jusqu’alors aux blancs. Les plus calés en cinéma de genre vous diront que The Intruder et l’analyse du film par son réalisateur, sont disponibles sur internet. Il n’empêche qu’une présentation de Roger Corman reste un moment fort de festival. Voix posée, clarté des propos qui font se télescoper anecdotes de tournage et réflexions sur les U.S.A aujourd’hui. Éclats de malice et questionnement toujours pertinent en direction des spectateurs, quand ceux-ci s’apprêtaient à écouter un routard du cinéma.
Nous étions par ailleurs prêts pour les différentes compétitions, rétrospectives, open doors et autres séances spéciales qui ont été, il faut le dire, à la hauteur des promesses d’événements et de découvertes :
- Coup de tonnerre avec El auge del humano (Léopard d’or Cineasti del presente), premier long-métrage de l’argentin Eduardo Williams. Plongée dans trois pays (Argentine, Mozambique et Philippines) par un sentier, le mot est important, loin d’être balisé, encore moins édulcoré. Cet itinéraire chaotique, pourrait ressembler à un catalogue choc de situations de survies. Mais coûte que coûte, et grâce à de magistrales séquences qui peuvent jouer sur l’urgence comme sur l’observation attentionnée, c’est l’organisation voire le chant d’un monde meurtri mais absolument pas désespéré, qui se manifeste par la seule force du cinéma.
- Coup de pouce pour Jeunesse de Julien Samani (Compétition internationale) puisque ce premier essai arrive sur les écrans le 7 septembre prochain. Cette libre adaptation de Joseph Conrad semble un peu décalée dans la production actuelle. Presque d’un autre temps dans sa façon de concevoir un film. Et pourtant, ce récit maritime emporte l’adhésion. Menacé par les clichés et les excès de lyrisme, Julien Samani, s’accroche aux aléas du voyage, et réussit un jeu d’équilibre entre spontanéité et gravité, peut-être grâce au casting (dont Jean-François Stévenin en « patron ») qui marque sa singularité et s’harmonise tout au long du film. L’aventure est bien là.
- Aux rock-stars de fin de festival présents sur la Piazza Grande, Ken Loach et le peu emballant I, Daniel Blake (Prix du public) ou Alejandro Jodorowsky, on préférera, pour terminer, la chanson-indé de El Futuro Perfecto (Prix Swatch du Meilleur premier film) de Nele Wohlat. Derrière le portrait d’une jeune chinoise débarquant en Argentine sans parler un mot d’espagnol, la réalisatrice tisse là-aussi un récit d’apprentissage au sens le plus vaste. Le film est attachant, car, comme son héroïne, il fait face aux situations dramatiques avec une distance idéale et évite le psychodrame. Xiaobin, déterminée, va pourtant gagner peu à peu son autonomie, sa liberté de décision. Étrangement cocasse, parfois un peu malin dans le maniement de sa palette d’émotions,il y a ici un bel espace (imaginaire ou non) autour du personnage principal qui suffirait presque à nous faire patienter jusqu’à l’édition 2017.
Et plus si affinités