Formidable livre d’aventures « au Far-East » et fable philosophique emprunte de l’humanisme tolstoïen, avec L’archipel d’une autre vie le tout récemment nommé Immortel à l’Académie Française Andreï Makine signe une œuvre puissante digne des meilleurs page turner.
Andreï Makine a beau être le plus français des auteurs russes, il n’en reste pas moins critique sur la lutte acharnée que mène l’Occident contre la Russie poutinienne et il suffit de lire sa dix-septième œuvre L’archipel d’une autre vie pour deviner l’amour de cette contrée qui «peut être cruelle, atroce (…) jamais petite». Ode aux terres de l’Extrême-Orient proches du Pacifique, ce roman prend place dans la taïga, celle qui nécessite de savoir se «mouvoir avec la souplesse d’un nageur », en pleine guerre froide alors que les autorités soviétiques pensent que la 3e guerre mondiale est imminente.
Cinq hommes – Pavel Gartsev , héros du roman, le sergent Vassine, le jeune militaire Ratsinky, le capitaine Louskass et Bulov – chacun représentant un fragment de la Russie, sont chargés de traquer un prisonnier évadé lors de son transfert dans une prison voisine. Éprouvante, cette chasse à l’homme se révèle bien plus compliquée que prévue, les militaires devant chacun leur tour abandonner et rebrousser chemin. Tous sauf Pavel qui, au fil du temps, se lie d’amitié avec ce fugitif, connaissant mieux que quiconque la survie en terre hostile. Un fugitif natif des îles Chantars qui, au final, changera complètement le cours de la vie de Pavel.
Roman d’aventures faisant la part belle au rebondissement et à la surprise comme peut l’être toute histoire de chasse à l’homme en pleine nature, quête métaphysique qui met au jour notre pantin intérieur s’activant au moindres maux et peurs qui nous frappent, L’archipel se fait aussi chantre de l’écologie, à travers une romance tissée loin de toute humanité, sur une île hostile battue par les vents. Une île située sur l’archipel fantasmagorique des Chantars, anomalie magnétique où l’aiguille de la boussole tourne sans cesse dans l’impossibilité d’indiquer le nord. Nombreuses sont les pages de L’archipel qui conspuent pollution, surconsommation et surexploitation. Makine promeut là un mode de vie plus sain.
Qu’importe qu’il soit hostile voire ascétique car c’est bien là, et contre toute-attente, que se jouera une des plus belles histoires d’amour qu’il nous ait contée. Pour vivre heureux, vivons sur une autre rive, loin des hommes ?
Et plus si affinités
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