Standing ovation à l’Opéra de Lyon pourtant plus habitué aux applaudissements plus conventionnels. Discipliné et plutôt classique, le public lyonnais n’a cependant pu retenir son émotion devant la version concert d’Ermione l’opéra italien de Rossini adaptant Andromaque de Racine. Décidément, l’intrigue tragique datant du 17ème siècle a toujours autant d’effet, mise en musique par le compositeur du Barbier de Séville. Comment est ce possible ? Andromaque est une œuvre vue et revue. Comment pouvons nous encore nous émouvoir devant l’histoire universellement connue de ces héros de la guerre de Troie ? Racine quatre siècle plus tard s’empare du sujet, fait à nouveau ressentir terreur et pitié, l’emotion est à son comble, le tourbillon du drame nous emporte. L’histoire est toujours la même, sans issue et vouée au destin : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort … A l’issue de la tragique guerre de Troie, comment mettre un terme à cette guerre qui se perpétue au delà de la guerre ?
Et Rossini, comment traduit-il ce mythe tel que le restitue Racine ? Le compositeur fut tout d’abord remarqué par ses opéras comiques comme L’italienne à Alger (1813), il se tourne ensuite vers des compositions plus sérieuses et dramatiques comme Otello … ou Ermione, avant de mettre fin à sa carrière lyrique à seulement 37 ans. D’une grande puissance dramatique qui met en exergue le personnage de l’amante vengeresse et folle de Pyrrhus, ce bel opéra de 1819 aurait bel et bien pu tomber dans l’oubli. En effet après seulement sept représentations, le spectacle est retiré de l’affiche, rejoué seulement un siècle plus tard. Pourtant le cygne de Pesaro a su en ce cas rendre sa musique performative, exaltant la langue racinienne adaptée par le librettiste Andrea Leone Tottola.
Ce soir tout particulièrement, l’orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Alberto Zedda accompagne le processus tragique, participe à la catharsis. Un opéra en concert se passe de décors, l’orchestre justement n’est point caché et seuls les costumes des solistes nous renvoient à l’Antiquité. La magie de la fiction s’opère donc par la musique, entraînante, inquiétante, elle rythme le drame et nous entraîne dans les sentiments de ces héros. Le chœur, comme à l’époque, se fait voix off et commentateur des actions. La performance des solistes est remarquable, avec une attention toute particulière pour Angela Meade dans le rôle titre. La musique de Rossini nous fait tout oublier, la passion de Racine nous fait presque pleurer. Le seul bémol de ce spectacle est bel et bien qu’il n’est joué qu’une seule fois.
Et plus si affinités