En ces vacances de Noël, les Antilles représentaient une destination phare. Les Fêtes au soleil dans une France hivernale, voici qui plaît aux métropolitains frigorifiés. Pour ceux qui n’ont pas eu pas la chance de partir, le TNP embarquait en Martinique. Cependant loin de s’attarder sur les palmiers et l’eau turquoise, c’est l’Histoire en poésie qui nous a été contée. Orchestré et joué par Olivier Borles, Cahier d un retour au pays natal d’Aimé Césaire est puissant, poétique, sauvage et dénonciateur. Parfois dérangeant, toujours troublant, on n’en ressort pas indemne.
Cahier d un retour au pays natal est publié en 1939 et constitue à posteriori une des œuvres majeures de l’auteur, le point de départ du concept de négritude. Alors installé à Paris, Aimé Césaire y dénonce l’esclavage, le racisme et la colonisation. Maniant l’ironie comme personne, y ajoutant un soupçon de surréalisme, il livre un écrit plein de révolte. Notamment saluée par André Breton, cette oeuvre s’impose comme un incontournable du vingtième siècle. Texte d’Histoire, elle apporte également un autre regard sur la poésie : affranchis de toute règle classique, l’assemblage des mots et la maîtrise de la langue incarnent un lyrisme rebelle, la marche irréversible d’une prise de conscience.
« Ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n ai que haine
Car pour me cantonner en cette unique race
Vous savez pourtant mon amour tyrannique
Vous savez que ce n est point par haine des autres
Races
Que je m’exige bêcheur de cette unique race. »
Membre de la troupe du TNP depuis plusieurs années, Borles parvient à mettre en scène ce texte chaotique et admirable. Le défi est de taille, en effet l’ouvrage est violent et décousu. D’une structure peu habituelle, le comédien épouse le texte, au moyen de ses craies et se son corps : le monologue nous captive et la musicalité nous berce. Ainsi l’émotion nous envahit, nous qui sommes conviés dans une France si lointaine géographiquement et parfois oubliée. Art, Histoire et politique se subliment dans le rêve de la chaleur antillaise. Nous en sommes certains, les mots peuvent changer les choses, c’est la raison d’être de la littérature engagée. Laissons Césaire nous le redire : « embrassez moi sans crainte … et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai. »
Et plus si affinités
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