« Satan es-tu là ? C’est moi Madison ». C’est ainsi que commence le livre Damnés, sur la question d’une petite gamine rondouillarde de 13 ans, héritière d’une actrice et d’un producteur aussi célèbres qu’il sont tarés et opportunistes, s’adresse à son nouveau… patron ? Protecteur ? Confident ? Décédée dans d’étranges circonstances, cette jeunette aussi complexée qu’intelligente vient de débarquer en Enfer, et elle va mettre son Éternité à profit pour élucider le mystère de sa mort, s’émanciper de son éducation et passer à l’âge d’adulte.
Une héroïne décalée
Partant de cette trame inattendue et gênante, Chuck Palahniuk accouche d’un roman savoureux et corrosif où, comme à son habitude, il règle son compte à la modernité que nous portons à tort aux nues. L’auteur de Fight Club et Snuff sait y faire quand il s’agit de déstabiliser son lecteur ; ici, il implose la prétendue innocence enfantine pour façonner une héroïne décalée, droguée, perverse et conquérante, qui juge les tares de ses géniteurs et de l’humanité en général avec un œil critique sans pitié.
Secondée de camarades pour le moins baroques rencontrés au hasard de cette damnation aussi méritée qu’elle est propice, Madison va faire le ménage dans les sous sols de la Géhenne, lieu haut en couleur où les fleuves de merde jouxtent les lacs de sperme et les montagnes de rognures d’ongles, où les démons se corrompent à coup de sucreries, et dont les constructions tombent en ruine faute de soin. Une honte ! Et Satan dans tout ça ?
Un cynisme de bon aloi
Pleine d’enthousiasme, Madison prend les choses en main pour rameuter de futurs adhérents, tout en montant les échelons de la hiérarchie (la manière dont elle se débarrasse de Hitler est juste à se tordre) et ordonner au passage quelques travaux d’aménagement dignes d’un parc Disney. Mais le plus important n’est pas là : au final Madison existe-t-elle vraiment ou n’est-elle qu’une émanation de l’imaginaire diabolique, notre grand Auteur à tous ?
Peu importe, la demoiselle tranchera en embrassant son destin jusqu’au bout avec un humour et un cynisme de bon aloi, soutenu par des moments d’anthologie, purs délires qui feront la joie hilare des lecteurs, avec au passage de bons gros coups de griffes aux fanatiques de tous bords, qu’ils soient des obsédés de l’écolo, de la mode ou de la religion, au final tous des Tartuffes débiles, sans véritable étoffe. Des reflets de nous-mêmes ?
Et plus si affinités
Pour en savoir plus, consultez la page consacrée au roman Damnés sur le site Lisez!