Après Dominique Fernandez et La Course à l’abîme, c’est au tour de Francesco Fioretti de se saisir du mystère Caravage pour en orchestrer sa lecture dans un roman qui évolue entre autobiographie artistique, récit historique et intrigue policière. Dans le Miroir de Caravage donne à voir Rome au XVIIeme siècle, ses codes, sa violence, son hypocrisie, sa misère, repositionnant ainsi le célèbre peintre dans un ancrage social particulier.
Le livre joue sur les angles d’approche en alternant le récit omniscient des grandes oeuvres de l’artiste, des moments heureux ou sombres de son parcours, avec des passages confessionnels où il nous parle, dévoilant ses doutes, ses peurs, ses colères … On perçoit ainsi le décalage entre la réalité sordide des bas-fonds de la ville et le luxe incroyable des demeures nobles, où se dictent les lois et les interdits, dans une farandole effrénée de plaisirs et de luxe. L’écart est d’autant plus saisissant que nous sommes au coeur de la chrétienté, qu’ici trône le Pape.
La singularité du style de Caravage ressort d’autant plus qu’il révèle dans chacun de ces tableaux la pauvreté d’une population qu’il intègre dans son interprétation des textes sacrés. On découvre ainsi les querelles esthétiques qui ensanglantent les rangs des créateurs romains : les anges ont-ils une ombre ? Faut-il la représenter ? La Vierge morte doit-elle être peinte comme un cadavre ? Les bergers venus adorés l’enfant Jésus ont ils les pieds sales ? Cela semble dérisoire, mais à l’époque le débat fait rage, qui occasionne duels, manigances et vendetta.
La mafia n’est pas encore effective mais les comportements sont là : et Caravage de manœuvrer comme il peut pour se préserver dans ce panier de crabes qu’il ne peut quitter, étant mécéné et dépendant des puissants pour vivre. Trouvera-t-il son billet de sortie autrement que par une mort mystérieuse sur un bord de plage ? Fioretti laisse planer le doute, et sa version des faits est on ne peut plus intéressantes, sa conclusion à la romanesque et pleine de panache. Les trois cents pages se laissent lire, illustrées par des chefs d’œuvres qu’on redécouvre avec surprise et d’autant plus de plaisir.
Et plus si affinités