Antigone, nous la connaissons par coeur, nous l’avons lu, relu, écouté, nous l’avons vu sur scène maintes fois, nous en avons même rêvé. Cette œuvre majeure de la littérature a-t-elle encore quelques secrets ? Il y a plusieurs années The ARTchemists la contemplaient à la Comédie Française ou lisaient Le Quatrième mur de Chalandon. Ici, c’est la version de Sophocle au TNP qui retient notre attention.
Jean-Pierre Siméon a choisi de réécrire le texte de Sophocle à la suite de Philoctète et d’Eschyle. Au TNP, on dépoussière les ouvrages grecs pour vivifier leur puissance et leur superbe, trop souvent oubliés. Réécrire Antigone n’est pas d’une grande originalité, plusieurs l’ont déjà fait : Brecht, Anouilh, Bachau… pourtant chaque version nous montre un nouveau visage, une nouvelle facette.
Ce soir, l’histoire nous est contée, le texte lu. Les décors se résument à une salle de classe des plus classiques, les acteurs semblent « sans costumes », les dialogues sont au centre de tout. Le spectateur prend place à des tables d’écoliers à même le plateau pour faire corps avec le spectacle. Schiaretti et Siméon ne cherchent pas à interpréter Antigone mais à en déclamer les répliques. La splendeur poétique et la puissance tragique nous enchantent dans un théâtre épuré focalisé sur l’ouvrage.
La portée de la tragédie antique semble intemporelle, immuable. Anouilh en avait fait l’allégorie d’une résistance farouche face à la l’injustice de la Seconde Guerre Mondiale, ce soir on semble voir des clins d’œil au conflit en Syrie ou aux tourments d’une politique déraisonnable. Le public présent sur scène devient témoin impuissant du massacre et de l’injustice. Comme il n’est qu’un spectateur discipliné, il ne répond pas aux injonctions d’Antigone qui appelle à la révolte. Les sentiments de terreur et de pitié, objectif tragique suprême, nous submergent sans nous autoriser au transport.
Le travail de réécriture est remarquable, la mise en scène se détache nettement d’une reproduction, d’une actualisation. La pièce rend simplement hommage, elle remet le verbe au centre de tout. Antigone fascine elle nous transforme et nous élève. Elle nous rappelle que dire non est une option, qu’il s’agit là de chercher le bien fondé de nos décisions. La petite Antigone, préférant sa mort à l’oppression, nous donne comme à chaque fois une belle leçon d’humanité. Sophocle ne dit-il pas : « Entre tant de merveilles du monde, la grande merveille c’est l’homme » ?
Antigone évoque la nécessité d’avoir des idées et de se battre pour elles. La pièce nous prouve que l’amour est une valeur supérieure au pouvoir, à l’autorité et au conflits : quand la loi est injuste notre devoir est de lui désobéir. Ainsi Antigone nous rend juste plus humain.
Et plus si affinités