Contrairement aux apparences qui sont toujours trompeuses, ce sont pas des photos coquines que vous voyez là. Dépassez le cadre du fessier fièrement exhibé pour vous concentrer sur les bleus que ces dames mettent en avant. C’est ici l’objet de leur fierté, voire même un signe d’émancipation, de puissance, de courage que capte avec talent, humour et un brin de provoc l’artiste finlandaise Riika Hyvonëne. Étonnant ? Et pour cause ! Ici point de femmes battues dont on présente les larmoyantes blessures. Ces augustes derrières sont ceux de redoutables patineuses de roller derby. Des guerrières en somme.
Petite précision : le roller derby désigne des courses de roller en équipe, sur piste ovale. Le but est pour une patineuse de dépasser les membres de la team adverse sans se faire catapulter au sol ou sur les rambardes de sécurité. D’où coups, souvent fractures et luxations, toujours contusions aux nuances violacées arc en ciel d’un chromatisme irrésistible pour une artiste passionnée et un tantinet féministe. A l’origine mixte, cette pratique est désormais à grande majorité féminine, et ses représentantes allient séduction, technique et hargne dans une attitude qui tient à la fois de la pin up et de la riot girl.
L’aventure des Roller Derby Kisses a commencé quand Riika a reçu la photo d’une copine marquée après un match ; la tradition du milieu veut que ces dames montrent leurs blessures telles des trophées, et en conservent la trace photographique comme preuve de leur vaillance. Codification d’une subculture combattante dont la peintre s’est saisie pour créer une farandole de derrières au discours ambigu puisqu’à la fois appétissants (ces dames sont relativement bien faites, merci la musculature) et assez déconcertants au vu des coquards qu’elles arborent comme des médailles de bravoure.
Fascinée par la capacité mémorielle de la peau (on se souviendra à l’occasion du travail accompli par empreintE sur la question du marquage des cordes dans la chair lors des rituels shibari), l’artiste s’empare des clichés que lui envoient les patineuses désireuses d’alimenter son projet pour les peindre sur grand format à l’acrylique et en paillettes. L’ensemble est à la fois seyant et dérangeant, complètement décalé et très imprégné de cette fierté clanique héritée des antiques Amazones, qu’il est temps de réaffirmer à l’heure de la modernité.
Et plus si affinités