Le titre de la création de Daniel Larrieu, Littéral, est ambigu, l’âge du capitaine étant donné sous la forme calembouresque d’un rébus digne de Fernand Léger – cf. son film Ballet mécanique (1924).
Une soixantaine d’écoupes en chaume, artisanalement ouvrées, durant trois jours pleins, par Didier Dusserre font l’affaire et la déco. Les costumes vont du surplis mi-poncho, mi-overall, mi-sac à patates (ce qui fait plus que l’unité, mais peu importe !) au seyant maillot en rose pastel pour ce qui est du haut et collant tradi pour la partie gambettes aux extrémités protégées de soquettes noires. La lumière, chaleureuse, débusque et révèle les interprètes en les réchauffant mais sans les aveugler. La bande-son, à dominante synthétique, très eighties, découpe la soirée en différentes saynètes ayant valeur cabaretière.
Le solo introductif exécuté par le chorégraphe en personne est d’anthologie ; il résume à lui seul le style, donc l’homme ; celui par lequel l’artiste se fait un nom ; autrement dit, dans le cas qui nous occupe, en raison d’une assonance certaine et, à la longue, sans doute aussi lassante, par lequel il se distingue d’une comédienne des années trente venant, quant à elle, de fêter son centenaire. En même temps, cette variation toute simple d’apparence, donne le la de la soirée. Elle peut servir aux danseurs comme aux spectateurs de mode d’emploi. L’alpha et l’oméga sont bel et bien exposés. Tel un voleur de nuit, le danseur-chorégraphe s’éclipse en coulisse, passant la main à la jeunesse. Celle-ci, en douze semaines, a, sous sa direction, créé l’opus donné en primeur parisienne à June Events, après son avant-première tourangelle il y a quelques jours à peine. La structure est efficace, qui démarre en douceur, s’accélère drôlement, se complique même ardûment et se résout comme commencé, avec la réapparition du choréauteur.
Au solo succèdent duo, trio, quatuor, quintette. Les gestes deviennent miroitants. L’unisson est alors de rigueur. Cette loi de la symétrie, parfaitement observée et exécutée par les interprètes, garçons et filles, tous excellents (Marie Barbottin, Léa Lansade, Marion Peuta, Jérôme Andrieu, Yan Giraldou) fait son effet. Les gestes sont quotidiens mais stylisés, travaillés, épurés. Le vocabulaire du ballet s’en trouve enrichi, débordé sur sa gauche – on laisse tomber, pour ainsi dire, la virtuosité sans objet comme les portés académiques. Les regards sont francs et font partie d’un jeu qui n’a rien d’enfantin, malgré les apparences. La fonction phatique fait l’objet d’une routine exhaustive, qui va du salut à la romaine, à l’embrassade de la confrérie du showbiz et de la corpo des intermittents du spectacle, en passant le claquement de mains à la bavaroise ou le check du hip-hopeur. L’espace est intime, réduit ce qu’il faut. Il se confond avec le sol. Les danseurs sont proches de nous, ne nous font pas partager les difficultés de leur programme qui ne sont pas minces. Ils ont la politesse de nous communiquer leur joie de vivre l’instant tel qu’il se présente ou représente.
Cette élégance est une des clés de la réussite de l’entreprise qui n’a rien de commémoratif mais, au contraire, s’ouvre à ceux qui voudront poursuivre l’aventure. Cette légèreté est récompensée par les rappels d’une salle conquise.
Et plus si affinités
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