En son temps, L’Armée des ombres de Melville avait dépeint la réalité d’une Résistance faite de secret et d’effacement. La série TV en deux volet Alias Caracalla se situe dans cette lignée pour décrire le quotidien de ces combattants à l’aune du destin de Daniel Cordier.
C’est du reste le volumineux récit de ce dernier qui sert de fil directeur à cette excellente adaptation qui débute dés 1940, à l’heure de la capitulation signée par Pétain. Comme nombre de ses compagnons, Cordier, jeune militant de l’Action Française, vit cette reddition et le début de l’Occupation telle une trahison intolérante. Seule solution : partir, vite, pour les colonies où peut-être s’organisera une riposte militaire. Finalement c’est en Angleterre qu’ils échouent tous, vite ralliés par De Gaulle.
Incorporés dans les troupes des Forces Françaises Libres, entraînés, certains dont Cordier rejoignent les rangs du Renseignement, avec pour mission de retourner en France structurer la Résistance en un mouvement homogène. C’est ainsi que notre héros, alias Alain, devient le bras droit de Rex, Jean Moulin au civil. C’est leur quotidien que montre le réalisateur Alain Tasma, avec un souci de précision qui dévoile toute la méticulosité de leur action.
Grands absents de l’action, les Allemands dont l’ombre pèse pourtant comme une menace perpétuelle sur le travail de fourmi de ces novices qui apprennent les règles de l’espionnage sur le terrain. Seule certitude : s’ils sont arrêtés, c’est la torture, dont seule la capsule de cyanure les délivrera. Le danger est constant, ils savent tous ce qu’ils risquent, nul ne flanche. Au contraire, leurs rangs augmentent, car il en faut, du monde, pour orchestrer toute cette vaste machine aux multiples ramifications.
Ici pas de sabordages spectaculaires, de fusillades, d’exécutions comme le montre par exemple le très bon Anthropoid. L’objectif est de collecter les informations et de les transmettre après codification, à l’inverse de décrypter les ordres de Londres et d’y répondre, de collecter les besoins et d’y pourvoir, en armes, en argent, de mettre en place les filières d’exfiltration, la fabrication des faux papiers … une besogne de bureaucrate presque, une administration contraignante, vécue dans l’urgence constante et la menace d’être découvert, arrêté, dénoncé avant d’avoir abouti.
Car le but final est d’assurer l’entente des différentes factions qui résistent, et sont de bords politiques très variés, pour ne pas dire opposés. Anticipant la reconstruction de la France, tous tirent la couverture, refusant de s’entendre. Communistes, centristes, membres de la droite catholique, l’osmose est difficile, pourtant vitale en amont du débarquement final. Rappelant cette réalité complexe que Rex et ses proches durent dépasser, le téléfilm évoque par ailleurs l’antisémitisme profondément ancré dans certains partis politiques, certains milieux sociaux et avec lequel il fallut composer.
Cordier, issu de la droite dure, en est lui-même l’exemple ; foncièrement antijuif comme on l’était dans certains cercles de l’époque, il évolue progressivement, au contact d’un Jean Moulin pétri de bon sens et de bienveillance, qui l’ouvre au dialogue, à l’art, à la peinture. Ce paramètre resitue l’action de résistance dans le cadre d’une expérience humaine intense, inévitable de par les circonstances, où les valeurs, les principes servent de socle à une démarche extrême, que chacun investit jusqu’à la limite de son être. L’interprétation du fougueux Jules Sadoughi face à la réserve pudique d’Eric Caravaca ajoutent à la grande qualité de cette observation aussi nécessaire que nuancée.
Et plus si affinités