Réalisateur ultra prisé du box office, Mathieu Stannis n’en peut plus de pondre du blockbuster à la file ; si c’est la recette du succès, c’est pour lui une source répétée de stress, de déprime, de dégoût. Heureusement, le destin va toquer à sa porte pour l’extraire de sa torpeur et le réconcilier avec la créativité et la verve artistique. Mais avant il va s’en prendre plein la gueule. Car sa rédemption passe par un séjour forcé dans une dictature asiatique aux fortes saveurs coréennes où un tyran psychopathe le force à diriger une relecture grotesque de King Kong à la mode patriotico-communiste.
Le frémissement constant de l’inventivité et du génie
Voici le pitch de la série Kim Kong, soit trois épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun pour une comédie enlevée, menée bille en tête par un Jonathan Lambert irrésistible en cinéaste névrosé avide de pureté confronté à un Commandeur imprévisible, fou de cinéma, d’armes en tout genre et de poussées autoritaires incarné par un Christophe Tek hallucinant. Le second fait enlever le premier par ses sbires, faisant fi des règles de bienséance internationale, pour le parachuter sur un tournage où rien ne va, techniciens incompétents, acteurs mauvais, décors nuls, scénario inepte. Sans compter un commissaire politique qui s’improvise producteur (excellent Frédéric Chau), découvrant au passage l’ingratitude de la mission. Car Stannis va progressivement se prendre au jeu, contourner le manque de moyens, la pauvreté des ressources, la bêtise de la censure, y remédier avec génie, former cette équipe de bras cassés, révéler le talent qui sommeille en chacun d’eux, renouer avec ce frémissement constant de l’inventivité et du génie. Paradoxalement c’est son kidnappeur et tortionnaire qui va le remettre en rail, lui insuffler ce sursaut, cette envie, et l’amener à produire un chef d’oeuvre … mais à quel prix. Car si la trame se veut comique, nous demeurons dans un univers dictatorial, où la vie ne vaut pas grand-chose face aux caprices et aux humeurs du leader tout puissant.
Un politique et un artiste fascinés l’un par l’autre
Subtilement, les scénaristes Simon Jabonka et Alexis Le Sec rappellent cette réalité, soulignant la confrontation entre un politique et un artiste fascinés l’un par l’autre ; et dans cette histoire, la violence sera distancée par l’esthétique, l’imaginaire et la puissance émotionnelle de l’image et de la fiction. Ainsi, si la série Kim Kong fait rire, elle fait aussi et surtout réfléchir. La caméra de Stephen Cafiero teinte cette fable d’images acidulées qui évoquent aussi bien les affiches de propagande que la photographie des films asiatiques, l’art de Truffaut, les farces de Chaplin …On s’en amuse, oubliant que cette histoire s’inspire du rapt du cinéaste Shin Sang-ok, qui fut ainsi contraint de produire une dizaine de longs métrages pour la Corée du Nord durant les années 80. C’était hier, preuve que, si les chefs d’œuvre traversent le temps et la culture, le statut de l’artiste en tant qu’être humain fait de chair et de sang demeure précaire face à la brutalité du monde et des totalitarismes.
Et plus si affinités
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