The Deuce : le surnom donné au tronçon de la 42eme rue qui relie Broadway et la 8eme avenue. Emblématique d’un New York crade, camé, dévasté, livré aux macs, aux putes, aux miséreux, aux trafiquants en tous genres. Nous sommes dans les années 70, la libération des mœurs mène bon train, l’industrie du sexe suit, se structurant progressivement alors que l’encadrement légal se relâche. Voici l’univers que dépeint la série The Deuce. Avec talent !
Au coeur de ce projet propulsé par HBO qui signe ici un nouveau carton d’audience, David Simon et Georges Pelecanos tissent cette saga avec dynamisme, d’une plume incisive, détaillant l’émergence du marché pornographique sans aucun complexe, le resituant dans les 70’s, décennie ô combien houleuse, un contexte décadent, un univers de misère, violent et injuste … mais une période d’intense créativité, où bien des fondamentaux se mettent en place : émancipation de la femme, des homosexuels, égalité des droits des noirs, … C’est alors toute la société moderne qui mute.
Pour étudier cette lente transformation, chacun des huit épisodes de la première saison suit le parcours de personnages emblématiques : les jumeaux Martino qui gèrent les bars et les maisons de passe que la mafia ouvre à tour de bras, occupant l’espace avec un sens aigu de la gestion immobilière. Candy, la belle prostituée indépendante, qui progressivement se tourne vers le tournage de pornos, convaincue que cette activité va sortir de l’anonymat pour s’imposer comme un art à part entière. C.C. et ses potes, tous macs, soudainement menacés par l’explosion de cette industrie. Chris Alston, policier qui observe la corruption galopante qui ronge la ville.
Tous se croisent, se côtoient, dans ce récit choral accrocheur, dont le style, par le traitement de l’image, le rythme narratif, la musique, évoque les films d’alors, Emmanuelle, Serpico, Manahattan Cowboy, French Connection, Taxi Driver … James Franco qui interprète les deux frangins Franco, Gary Carr en mac fatigué, Maggie Gyllenhaal qui explose littéralement l’écran, … le casting, exfiltré en grande partie de la série The Wire, est particulièrement percutant, et il faut bien ça pour porter la lourdeur du sujet, sans tomber dans le grivois ou le caricatural.
Par bien des aspects, cette série magistrale recoupe le propos véhiculé par des ouvrages précédemment chroniqués dans nos pages, la biographie de Jacques de Bascher, les mémoires de Lydia Lunch ou de Dee Dee Ramone, Liberté, égalité, sexualité … L’intérêt est, à partir d’un récit à suspens et de portraits attachants, d’en expliciter l’impact sur des vies humaines, des intimités, en restituant le mental de l’époque, les mécanismes mentaux et économiques qui vont en banaliser la marchandisation. Le rendu est formidable, qualitatif et original, … et bienvenu.
Et plus si affinités