Peut-on réduire Helmut Berger à cette caricature ? Difficile. On peut être un Apollon, si l’on n’a pas d’âme, on n’est rien qu’une coquille vide. De l’âme, Helmut Berger n’en a pas manqué, du caractère non plus, surtout. Et c’est probablement ce qui a conquis Visconti qui va en faire son amant, son compagnon et son acteur fétiche. S’il n’y avait pas eu Visconti, Berger aurait-il perduré, se serait-il imposé sur les écrans ? Certainement, mais d’une manière plus futile. Et c’est justement cette histoire de révélation et d’interaction que Holde Heuer met en lumière en restituant les propos de l’acteur dans Helmut Berger – Autoportrait.
L’art sans concession
L’acteur s‘y livre sans fard, brut de décoffrage, avec verve et énergie, direct et droit dans ses bottes. Il assume tout, la bisexualité, les dépenses inconsidérées, les drogues, les parties fines, les rigolades, les insultes, les colères, les conneries… Il assume aussi l’amour fou, total qu’il a vécu avec son Luchino, même s’ils étaient oxymoriques, à l’opposé, pourtant si complémentaires. La mort du maître laisse Berger dévasté, non pas orphelin, mais veuve, il n’hésite pas à user du terme sans gêne.
Il est également le dépositaire de son travail, de son œuvre à laquelle il a prêté ses traits si fins, si durs. Ses anecdotes dévoilent une conception de l’art sans aucune concession. Sur le plateau, devant comme derrière la caméra, la discipline et l’exigence sont reines, on ne négocie pas sur ces points. Et en bon prussien qu’il est, Berger s’y plie, revendique même cette sévérité absolue… qui l’amène à être exigeant avec les autres comme avec lui-même.
Des mémoires entre ombres et lumières
De l’ego certes il en a à revendre, que d’aucuns prendront pour de la vanité. En marge du mépris, il y a l’amitié, la solitude, la conscience des proches trop vite disparus, une vision très moderne du couple, des relations amoureuses. Et doucement le temps qui passe, qui altère la beauté mais jamais la passion, l’envie de créer, de jouir de la vie … Les mémoires d’Helmut Berger évoluent entre ombres et lumières, pour refléter les temps insouciants de la fête comme ceux plus nostalgiques de la vieillesse où l’on n’est plus que souvenirs.
Par bien des côtés, ses confidences évoquent l’atmosphère que dégagent les œuvres du plasticien Jean-Luc Verna dont le propos d’artiste recoupe les constats fatalistes du « plus bel homme du monde ». Grand amateur d’art moderne, Berger serait-il sensible aux travaux de ce caméléon transgenre que Verna cultive assidûment en lui ? Au final, ce dernier serait peut-être le plus à même de saisir les nuances de cette personnalité à la fois solaire et autodestructrice, qui a marqué les esprits en interprétant les rôles les plus complexes, les plus extrêmes.
Et plus si affinités