Hier c’était la Journée internationale des droits des femmes. Navrant n’est-ce pas qu’au XXIeme siècle on soit encore obligé de consacrer une journée mondiale à ce qui semble une évidence ? Et pourtant … viols, féminicides, mariages forcés, excisions, illettrisme, salaires inférieurs … Et n’allons pas croire que ce soit le seul fait des pays sous-développés. Dans les années 60, la France n’était guère plus évoluée, qui interdisait à ses filles le recours à l’éducation sexuelle, à la contraception et à l’avortement, punissant du reste sévèrement celles qui pratiquaient clandestinement l’IVG. Il faudra le combat acharné de Simone Veil pour dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse, combat enraciné dans celui du MLF et de Gisèle Halimi, que cristallisa le procès de Bobigny.
Rappelons les faits : une jeune fille mineure tombe enceinte après avoir été violée par un garçon de son lycée. Elle décide d’avorter, mais sa mère, employée à la RATP, n’a guère les moyens de payer les 4500 francs réclamés par l’obstétricien pour opérer sous le manteau. Toutes deux se tournent donc vers une avorteuse occasionnelle, qui accepte d’intervenir pour une somme moins élevée … mais blesse la jeune fille durant l’opération. Cette dernière sera hospitalisée en pleine hémorragie, sauvée in extremis … et dénoncée par son violeur, désireux de sauver la mise après avoir été coffré pour vol.
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Mineure, la demoiselle ne sera pas condamnée au terme de son procès à huit clos. En revanche sa mère, accusée d’avoir influencé sa fille, risque une lourde peine. Défendue par Gisèle Halimi et l’association féministe Choisir présidée par Simone de Beauvoir, elle plaidera coupable, une stratégie visant à dénoncer la loi et faire bouger l’opinion publique. C’est cet événement qui constitue le cœur du téléfilm Le Procès de Bobigny tourné en 2006 par François Luciani avec Anouk Grimberg et Sandrine Bonnaire. Un téléfilm qui sonne toujours aussi juste alors que l’IVG est toujours interdit dans des pays dits modernes et évolués, qu’il est régulièrement contesté par les religieux de toutes confessions, les partis conservateurs.
Outre l’interprétation excellente des acteurs qui retracent cette crise, c’est tout un climat social, un positionnement institutionnel qui transparaît dans chaque scène de cette fresque poignante qu’on regarde avec indignation. Car ces femmes qui sont nos mères ou nos grand-mères sont considérées comme des ventres, des mineures, des laissées pour compte qui n’ont pas droit de parole, subissant les grossesses à répétition, devant se débrouiller seules pour gérer une contraception à laquelle elles n’ont pas accès. « Débrouille-toi, ma fille » lance un époux à sa femme, de nouveau grosse, quand elle le lui annonce. Que répondre à pareille grossièreté ?
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Issues du peuple ou de la haute société et des élites, toutes sont logées à la même enseigne, même si les plus riches ont la possibilité d’aller avorter à l’étranger. Sans compter les décès suite aux interventions clandestines, la culpabilité, le regard d’autrui … En une heure trente de récit rigoureux, Luciani resitue l’action dans son contexte, recadre ce coup de poker judiciaire, et souligne le courage qu’il fallut à Mme Chevallier, Martine dans la fiction, pour monter au créneau et ouvrir une brèche dans l’édifice législatif, dans laquelle Simone Veil s’engouffrera pour faire tomber la loi.
Le Procès de Bobigny est à voir ou revoir, régulièrement pour plusieurs raisons :
On a trop tendance à oublier les combats antérieurs, à s’endormir dans le confort de droits qui peuvent s’étoiler très rapidement, sans même qu’on s’en rende compte.
Les avancées viennent d’une action cohérente et pensée en amont.
Rien ne se fait sans prise de risque ni sans fermeté, encore moins sans conviction.
Aussi, une journée pour se rappeler c’est bien, mais ce n’est rien, c’est en continu et sur le long terme que les choses bougent.