Journée des droits des femme oblige : évoquons ce 8 mars, le souvenir de deux femmes d’exception. A ma droite, Élisabeth Iere, souveraine d’Angleterre, belle, élégante, intellectuelle, protestante mais jamais fanatique, rationnelle au point de mettre de côté sa vie intime pour régner sans partage et préserver son pays par tous les moyens ; à ma gauche Marie Stuart, reine de France jusqu’à ce que son époux ne décède, puis reine d’Écosse et prétendante au trône d’Angleterre, intelligente, lettrée également, femme de passion qui épousera deux seigneurs en sus de celui décédé, catholique zélée et comploteuse émérite.
Nous sommes en pleine guerres de religion, dans la deuxième partie d’un XVIeme siècle voué à l’Humanisme et aux luttes de pouvoir sanglantes. Dans un monde d’hommes où les filles d’Ève sont reléguées au rang d’objets sexuels, de marchandises et de pondeuses, Élisabeth et Marie s’affrontent dans une partie d’échecs qui va durer toute leur vie avec un enjeu de titan : laquelle va terrasser l’autre ? Il ne peut en rester qu’une, et l’équilibre du monde civilisé dépend de l’issue de ce combat. L’Histoire a tranché : Marie Stuart, affaiblie par l’exil et l’emprisonnement, finira décapitée après avoir comploté une enième fois contre son adversaire, dont elle est pourtant la captive. Élisabeth lui survit quatorze années, une fin de règne aussi délicate qu’épuisante, où elle devra composer avec ce fantôme ô combien gênant.
Cette rivalité a fait l’objet de bien des fantasmes, et inspiré ouvrages, études, romans et films qui trahissent la vérité historique en voulant l’embellir. Correspondantes acharnées, ces dames jamais ne se rencontreront, contrairement à ce qu’affirment l’hagiographie. Le dernier récit en date est sorti récemment sur les écrans pour délivrer une version des plus romanesques, qui selon nous, ne rend guère justice à ces deux héroïnes, jouant à fond la carte du sentimentalisme et de l’hystérie, dans des décors et des costumes de carton pâte où anachronismes et libertés abondent. A cette lecture pour le moins fantaisiste, nous préférons celle plus ancienne mais un peu plus juste de Charles Jarrott tournée en 1971 pour Universal Pictures ; Marie Stuart, reined’Écosseconfronte Vanessa Redgrave dans le rôle titre et Glenda Jackson dans celui de Elisabeth Regina. Et pour le coup, on est un peu plus dans le diapason des grands enjeux politiques de l’époque.
Le scénario précise le contexte dés les premières minutes, ce qui permet de mieux mesurer la tension existante entre les deux compétitrices, leurs entourages … et leurs peuples. Personnages publics et animaux politiques, les deux reines ne s’appartiennent pas, et le film a raison de nous le rappeler à plusieurs reprises, avec violence au besoin. Marie, à force de l’oublier, y laissera sa couronne, sa liberté puis sa vie. Élisabeth s’en souviendra tout au long de son règne, sacrifiant ses amours et l’opportunité d’être mère pour assurer la sécurité de l’État. Incarnée avec autant de caractère que de brutalité par des interprètes de talent, les deux figures symbolisent deux versants de la modernité : liberté amoureuse, liberté politique … passion contre raison, femme intime, femme de pouvoir. Le film de Jarrott, tourné en pleine explosion des luttes féministes, fait écho à ces revendications comme à ces doutes. Avec talent, pertinence et raison. Visionnaire.