Si vous avez adoré le passage du Lièvre de Mars dans Alice au pays des merveilles, la séquence du service à thé dansant de La Belle et la bête, les sculptures de Ronit Baranga devraient beaucoup vous plaire … avant de vous révulser. Car au fond de ces tasses en mouvement, sous ces théières distordues se cachent des bouches hurlantes, des lèvres affamées, des langues salaces, des doigts agités et chatouilleurs.
Une vision de cauchemar associée avec la finesse la plus exquise, l’élégance de la civilité la plus courtoise. Bye bye la tranquille porcelaine de Mamie, exit la Madeleine de Proust, la pureté une peu vieillotte du tea time à l’anglaise, vive le mordant, le dérangeant, l’ignoble … et le fascinant ! N’oublions jamais que les vieilles dentelles s’accommodent très bien de l’arsenic et qu’on empoisonne toujours mieux dans une tasse en porcelaine de Chine.
La vaisselle façon Ronit Baranga explose les apparences. Elle se veut dévorante et saugrenue, agressive et sensuelle, elle vous agrippe, vous retient dans les conventions sociales, vous verrouille d’une poigne de fer dans la bienséance. L’inanimé soudain saute au visage, mord, écrase, se gorge d’une vie brutale, les formes se mêlent, la matière et la chair sont une, rappelant la violence de nos origines faites de glaise et de souffle divin.
L’ensemble est tellement cru, féroce que chacun y lira ses propres angoisses, féminité entravée par la charge mentale, enfermement dans les codes familiaux, poids des convenances … et plus subtilement y découvrira des fantasmes enfouis de chair, de monstruosité, d’hybridation, de sensualité débridée … Chimères ménagères, les sculptures de Ronit Baranga annulent la frontière de la normalité et du conventionnel, marquant un premier pas vers les fougues d’un imaginaire tortueux, inquiétant et follement amusant. Une véritable libération.
Et plus si affinités