Après le roman à succès d’Umberto Eco et son adaptation cinématographique signée J.J.Annaud, voici Le Nom de la rose version série TV. Soit huit épisodes couvrant huit heures de programme pour nous narrer les aventures de William de Baskerville et de son jeune acolyte Adso de Melk au pays des livres et du fanatisme. Une lecture augmentée donc, qui se veut plus fidèle au roman initial… et dont le scénario a été supervisé par Eco lui-même.
Une intrigue entre Agatha Christie et Conan Doyle
Ce dernier a pu en approuver le traitement et les ajouts avant de décéder, validant ainsi une nouvelle approche qui tient plus d’Agatha Christie que de Conan Doyle. Nous sommes toujours plongés dans les ténèbres médiévales où la lumière intellectuelle peine à percer, et nos deux héros s’échinent pour découvrir ce qui tue les moines d’une abbaye bénédictine perdue au fin fond de l’Italie. Mais l’intrigue s’étoffe avec des constantes références à une papauté avignonnaise en mal de pouvoir tandis que les hérésies pullulent, notamment celle des Dolciniens dont on évoque le destin avec force détails.
Quant à l’atmosphère qui règne dans l’abbaye elle-même, elle est carrément délétère, allemands et italiens se disputant la direction de la plus belle bibliothèque de la chrétienté, et donc le pouvoir sur le savoir et sa diffusion. Car cette bibliothèque est close, interdite pour les étrangers, farouchement gardée par une faction germanique ultra-rétrograde, et que la présence des franciscains gêne particulièrement. Autant dire que Baskerville et son sens de la logique ne sont guère les bienvenus en ces lieux et qu’il va falloir lutter pour mettre à jour les secrets de ce lieu et de ces hommes.
La question intellectuelle au cœur du récit
Ce qui nous vaut une intrigue bien plus alambiquée que celle du film, avec un perpétuel jeu du chat et de la souris entre ces moines aux profils retors et un Baskerville aussi vigilant et perspicace qu’un Hercule Poirot. John Turturro endosse le rôle avec une douceur, une élégance et une intelligence qui lui font honneur, lui qui connaît le roman sur le bout des doigts et a du reste participé à l’écriture du scénario comme à la production. Au finish, les dialogues très travaillés demeurent, accentuant la perversité des protagonistes, leur psychologie tourmentée.
Et le casting est à la hauteur pour donner vie à ces répliques presque théâtrales dont un Rupert Everett absolument effrayant dans le rôle de Bernard Gui, entre fanatisme et obsession. Bref, l’ensemble se tient, se déroule dans des décors somptueux, et rappelle par certains côtés le jeu de massacre du roman Les 10 petits Nègres à la sauce inquisitoriale. La série a également le mérite de placer la question intellectuelle au cœur du récit, faisant ainsi le lien avec l’ouvrage initial. En résumé, ça se laisse voir pour apporter une approche nouvelle et somme toute pertinente.