En sous-titrant son recueil de chroniques « La tyrannie sucrée de la vie de bureau », le journaliste Nicolas Santolaria met les choses au point. Le Syndrome de la chouquette ne nous parle pas de prise de poids mais de management d’entreprise à l’heure de la start-up nation. Avec son lot de douceurs falsifiées et d’hypocrisies assumées. Et en perspective un démolissage en règle de cette farce qu’on baptise le « bonheur au travail ».
De billet en billet, avec un humour mordant et un sens de l’observation particulièrement acéré, Santolaria met en évidence la profonde psychose qui nous ronge, entre open space et brain storming. Et dénonce l’escroquerie intellectuelle qui veut que « travail = épanouissement ». Même à coup de chouquettes. A l’heure des réseaux sociaux tout puissants, de l’internet global, du rendement absolu et de la refonte de l’entreprise en mode « on est tous copains », cette approche vaut dynamitage.
Et franchement ça fait du bien … avant de plonger le lecteur dans un certain malaise. Car chacun va se retrouver dans ces lignes, à chaque situation, dans chaque tournure, chaque attitude disséquée, chaque expression citée … Sommes-nous tombés si bas ? Oui. Sommes-nous devenus grotesques à ce point ? Oui. Avons-nous une excuse ? Faire bouillir la marmite. Et être gobé, mâchouillé, recraché par une manipulation de masse qui vise à nous rendre dociles et béats devant cette machine à broyer les êtres, avec leur consentement bien évidemment.
Édités séparément au gré de publications dans Libération, ces instants de vie font rire, parfois aux larmes tant l’auteur sait manier la langue, jouer des expressions, oser des analogies tordantes. Mais dans la globalité de ces 230 pages, l’étouffement arrive rapidement, l’effet s’avère coup de poing. Et le sentiment de se faire prendre pour un con également, à longueur de réunions et de collaborations. La sensation par ailleurs de ne finalement produire que du vent, rien de bien viable, de concret. Des services, des produits, des tâches qui ne servent finalement à rien.
Flippant. Et formateur. Car l’auteur nous avertit avec malice mais justesse sur les périls qui nous guette. Novlangue, ennui, compétition … et en prime le chief hapiness officer qui vient empailleter harcèlement et surexploitation des individus à grand renfort de sourire et d’éléments de langage. Quitte à vous plonger dans le pire des diabètes à coup de chouquettes et autres confiseries. Au final et après cette lecture au demeurant drolatique, vous risquez fort de considérer les viennoiseries apportées par votre tartuffe de responsable pour mieux contrôler ses troupes comme un poison redoutable, et le burn out qui vous pend quotidiennement au nez comme l’ultime chance d’être exfiltré de cet asile de fous qu’est devenu l’open space.
Et plus si affinités