«Vidéos d’utilité publique. Autodéfense intellectuelle pour comprendre l’actu, la politique et le monde».
Du blabla d’intérêt général … Ce que Franck Lepage appellerait de l’éducation populaire (et il sait de quoi il parle, n’en doutez point) … une éducation populaire progressivement évacuée de nos salles de classe (y a-t-elle jamais pénétré du reste ?) pour se réfugier, (c’est un comble et une chance) sur la toile, et plus particulièrement sur Osons causer qui revendique ce statut en présentation de sa page Facebook comme sur son site, dixit la citation introduisant notre chronique.
Réconcilier la jeunesse avec la politique
Osons causer? Une chaîne Youtube lancée en 2015 pour réconcilier la jeunesse avec la politique … avec un certain succès puisqu’à ce jour on dénombre 15 567 363 vues, selon la plate forme de vidéos en ligne. 5 ans que ça dure donc, avec des formats courts (5/6 minutes en moyenne) qui décortiquent l’actu pour en donner les clés … et nous faire comprendre le pourquoi du comment, comme dans une discussion entre potes, d’où le nom de baptême de ce programme qui n’a de geek que l’apparence.
Car à l’origine de cette aventure, on trouve trois potes, Ludo Torbey, Stéphane Lambert et Xavier Cheung, fringants trentenaires qui ont tenté l’aventure des études de philo/socio avant de se faire virer du circuit officiel pour inconduite – traduisez : refus de se couler dans le moule bien formaté de Henri IV et autres sommets de l’éducation élitiste ultra confisquée et équipée de bonnes grosses œillères sociales, bref des usines à énarques et autres technocrates dont nous mesurons actuellement le pouvoir d’extrême nuisance.
La plus grande salle d’étude qui soit
Fort heureusement, nos trois compères ont été éjectés à temps avant d’être irrémédiablement contaminés ; il y en a même un qui a pu pénétrer le système en mode « entrisme » et qui boucle actuellement sa thèse à l’ENS sur le délicat sujet de, je cite : « l’évolution de la coopération et du statut social dans l’espèce humaine ». Preuve que ça tourne pas si mal que ça dans ces têtes suffisamment bien faites pour ne pas jalousement garder ce savoir pour eux (réflexe habituel d’une mainmise privative de la culture gé, qu’on rend inaudible au vulgus pecus, pour lui faire croire qu’il ne peut rien y comprendre vu qu’il n’est pas cérébralement outillé pour).
Ludo, Stéphane et Xavier ont joué la carte opposée. Marre de cet embargo pervers distillé depuis des siècles par les puissants. Fuck off ! Après des semaines de gamberge et grâce aux nouvelles technologies qui ne servent pas qu’à promouvoir des marques de déo et des petits chats mignons, notre trio a décidé de compléter et partager son périple intellectuel dans la plus grande salle d’étude qui soit, à savoir la toile. N’allez pas croire que leurs prétendus échecs scolaires soient le fruit d’une paresse compulsive ; ces messieurs ont fait leurs humanités (et ne cessent de les enrichir du reste), possèdent des références qu’ils affichent dans leurs biographies respectives avec beaucoup de fierté, un engagement évident et une efficacité indéniable.
Un discours brut de décoffrage
Marx, Bourdieu, Spinoza, Hegel, Lacan, Star Wars, le foot, le rugby, le bon vin, Kyo, Fight Club, Matrix, l’Italie, geeks ils sont, et contents de l’être, car cela leur offre l’opportunité de mettre en commun leurs savoirs et leurs réflexions avec ceux qui voudraient bien en savoir plus mais n’osent pas, rebutés par des discours politiques incompréhensibles, découragés par le sentiment de n’avoir aucune prise sur les décisions d’en haut, convaincus d’être enracinés pour toujours dans une espèce de bêtise congénitale par les propos infantilisants d’une classe dominante drapée dans sa toute puissance … et qui n’apprécie pas forcément de voir des gugusses comme ceux d’Osons causer débouler dans le Landerneau digital pour rectifier l’équilibre en briefant un public ultra-demandeur.
Un canapé, un salon plein de bouquins (eh oui, on peut être jeune, branché, aimer les block busters et lire, ce n’est pas incompatible), des questions claires, un discours brut de décoffrage, des argumentaires structurés et concis assortis d’exemples … le tout boosté par la faconde de Ludo qui sert de MC, tandis que ses deux camarades de jeu s’activent derrière la caméra (quoi que depuis quelques temps ils apparaissent devant l’objectif) : c’est simple, énergique, et ça met en évidence pas mal de saloperies dont le commun des mortels n’a même pas notion. Dixit la dernière vidéo en date qui évoque une petite trouvaille : 1 pauvre sur 4 meurt avant la retraite … dans le contexte actuel de refonte des régimes de retraite, cette prise de conscience pèse lourd … d’autant plus que personne n’y avait pensé et qu’on ne sait pas trop ce que deviennent les sous cotisés durant une courte vie de labeur par ces malheureux.
Apporter sa pierre à l’édifice social
Mais on sent venir l’arnaque et on ne peut alors que s’interroger. C’est en cet instant clé, largement cultivé par nos trois compères, que le débat s’enclenche, deuxième objectif recherché par nos loulous qui veulent ramener le dialogue en place publique, aussi numérique soit-elle. Ce qu’on appelle la démocratie, quoi. Avec une population qui s’agite en commentaires, relaie les infos, questionne, doute, apporte des infos, des preuves, des chiffres, bref réfléchit … Et cela fait peur, car tout ce petit monde constitue un groupe conséquent (823 000 likers sur Facebook, 22 000 sur Twitter, 12 000 sur Instagram …), un groupe qui échange, n’est pas forcément toujours d’accord, n’affiche pas la même orientation politique, mais qui revient, fidèle au poste … et qui va, à un moment ou à un autre, aller poser son petit bulletin dans l’urne … ou pas.
Une fanbase fidèle et docile, qui obéira à la moindre injonction, la moindre consigne électorale ? Pas le genre de nos youtubeurs même s’ils affichent leur penchant de gauche. Non, leurs audiences ne se limitent pas à ce seul terrain de jeu, comme tout internaute qui se respecte, ils vont chercher l’info ailleurs, en dehors des cloisons algorithmiques. Ils comparent, ils évaluent, ils cherchent, ils recoupent … De fait, Osons causer s’inscrit dans la nombreuse palette d’outils de formation développée via le web par des passionnés qui veulent apporter leur pierre à l’édifice social ; certains s’y retrouvent, qui apprécient, le ton, la manière d’amener les sujets, de les traiter … mais sans jamais s’enfermer dans cette unique vision des choses.
L’heure de faire souche
Et leur nombre prouve qu’il y a une demande forte, une appétence évidente pour cette approche décomplexée et compréhensible, une audience qui apprécie ce type de lecture de l’actualité. Ce que ni les médias tradis, ni les formations politiques classiques ni les purs produits du sérail HEC/ENA/SciencesPo ne pourront jamais offrir car ce n’est pas dans leur culture, encore moins dans leur ADN et leur plan de route. Aujourd’hui Osons causer fait souche, en intervenant régulièrement sur Médiapart, en inaugurant Osons comprendre, proposant à ceux qui veulent parfaire leur formation et acquérir les fondamentaux des vidéos payantes afin de compléter la chaîne Youtube qui demeure, elle, en accès gratuit. Une étape majeure dans le développement du concept d’une part, d’une entreprise perenne et innovante d’autre part.
« Osons comprendre – Tout ce qu’il faut savoir pour changer le monde » : c’est clair – comme toujours – justifié, encadré, dixit les vidéos d’explication du projet et les cinq commandements méthodologiques, qui assurent à la fois engagement et objectivité (eh oui, ça existe). C’est surtout tout à fait abordable avec trois offres allant de 10€ mensuels pour les bienfaiteurs à 3€ par mois pour les étudiants fauchés, les chômeurs et les retraités modestes. Vidéos en exclu, lives mensuels pour « réfléchir ensemble », groupe privé … Un média ? Une école ? Une formation en ligne ? Un groupe de réflexion ? Un lobby en devenir ? Un futur parti politique ? Tout à la fois ? La promesse est particulièrement pertinente, ancrée dans un constat logique … et notre trio y croit suffisamment pour sauter le pas de la monétisation et s’y consacrer pleinement, ce qui n’a rien d’un coup de tête chez ces garçons ancrés dans le bon sens.
« Arrrrrgggggggh ! Vade retro, monétisation ! Caca ! » protesteront certains (ceux là même qui ont largement les moyens de se payer ce type d’abonnement ??? Oh quelle mauvaise langue, cette Padmé) ? Ou une approche raisonnable et raisonnée d’un projet qui prend de l’étoffe, tout à fait acceptable, voire souhaitable, dans un univers où certains influenceurs n’hésitent plus à se vendre aux plus offrants, vantant des produits toxiques sans même les avoir testés, des destinations touristiques plus que contestables, quand ils ne vont pas faire les cons devant le cadavre de pauvres suicidés au fin fond de forêts nippones. Il est sûr que dans notre société du cyber spectacle, Osons causer et sa nouvelle émanation Osons comprendre font tache … d’huile, bien évidemment, et comptent bien continuer à éclabousser de partout. Il était temps. A suivre donc.
Et plus si affinités