Épuisée par 30 ans de tournages et de scène, alcoolique, droguée, endettée, divorcée … Judy Garland aborde sa 47eme année sous de bien mauvais auspices. Nous sommes en 1968 : sa voix est abîmée, elle est maigre, insomniaque, lunatique … et risque fort de perdre la garde de ses enfants. Pour se refaire, elle part à Londres assurer plusieurs concerts grassement payés au célèbre cabaret Talk of the Town. Là-bas, on l’attend, on l’adule encore … mais pour combien de temps ?
Voici donc le pitch de la comédie musicale End of the Rainbow de Peter Quilter, qui a servi de socle au biopic Judy signé Rupert Goold. Deux heures durant lesquelles nous voyons cette légende lutter avec ses démons, revenir aux sources de sa carrière pour mieux s’en culpabiliser, regretter, se rebeller … tenter d’être amoureuse, encore, d’incarner un ultime instant cette légende qu’elle a été, de se retrouver … En vain ?
Pour interpréter ce monstre sacré au soir de sa vie d’actrice et de femme, Renée Zellweger, brune, émaciée, neurasthénique … impeccable pour tout dire (son Oscar est mérité, largement), dans ce portait ô combien délicat d’une femme en profonde souffrance, qui comprend qu’elle vit ses derniers moments de gloire. Qui lâche, petit à petit, tout ce qui compte pour elle. Parce que fatiguée au-delà du tolérable, parce qu’écœurée face à un système qui l’a écrasée sans pitié pour mieux l’exploiter.
C’est tout l’intérêt du film que d’aborder la manière dont Hollywood a proprement supplicié ses stars, les soumettant à un traitement d’une brutalité sans nom, dont la saison 1 de Feud – Bette vs Joan témoigne également. Ici Judy Garland est affamée, médicamentée pour garder une taille de guêpe et demeurer docile. Obligée de faire semblant, dans son âge, ses amours. Peu importe qu’elle y laisse son équilibre, sa santé. Elle doit rester pour toujours cette jolie petite américaine sur qui on peut compter, douce, drôle, mignonne.
Et dont la voix ouvre les cœurs. La voix justement. Absente. Un vide incommensurable malgré les tonalités très travaillées de Zellweger qui a suivi une année de coaching intensif pour adopter les modulations de son célèbre modèle, de même que son allure, sa gestuelle. Rien n’y fait pourtant. Si le résultat est tout à fait appréciable, il lui manque … ça. Cette épaisseur, le phrasé, les accents … Les fans de Judy me comprendront, je pense.
De même, le film passe sur les origines de cette carrière, ce qui a précédé Le Magicien d’Oz, tout comme le tournage des grands succès (le fameux A Star is born de Cukor annonce du reste la réflexion entreprise dans ce biopic), la relation avec Vincente Minelli … frustrant. Le destin de Garland méritait une approche plus approfondie … similaire à La Môme ? L’intérêt est ici ailleurs.
Au moment où les femmes secouent l’industrie du cinéma, où actrices, réalisatrices, scénaristes, techniciennes, productrices montent au créneau pour réclamer un traitement digne, Judy rappelle à quel point les comédiennes pouvaient être réifiées dans les studios. Et combien c’était destructeur.
Et plus si affinités