Alors que nos soignants, médecins, chercheurs se retrouvent en ligne de front face au COVID 19, luttant aussi bien contre les ravages de la maladie que les manques flagrants et inacceptables de notre système de santé, visionner le documentaire Pasteur et Koch s’avère aussi impératif qu’instructif. Pour plusieurs raisons.
Nous sommes à la fin du XIXeme siècle. La France vient de perdre la guerre contre la Prusse, l’Empire de Napoléon III a sombré dans la défaite, l’Alsace et la Lorraine sont passées sous pavillon allemand. Une perte insupportable, une honte nationale. Pour tous les français, Pasteur en tête, qui dans son laboratoire ne décolère pas. Surtout quand un petit médecin germain du nom de Robert Kock vient le défier sur son terrain d’expertise en identifiant le bacille du charbon. La rivalité s’enclenche immédiatement entre ces deux génies … pour le bien de l’Humanité.
Car de défi en brimade, ces surdoués vont jouer la surenchère, chaque découverte de l’un poussant l’autre à se surpasser. Choléra, tuberculose, rage, peste, les deux scientifiques vont, par leur travail acharné, leur flair, leurs prises de risques, faire avancer la médecine, reculer la mort. Poser les bases de la virologie, de la bactériologie de la vaccination. Créer des équipes émérites qui les seconderont fidèlement dans leur mission, prendront le relai après leur disparition. En un mot, poser le socle de la médecine moderne telle que nous la connaissons.
Ce ne fut pas sans mal. Les intérêts nationaux comme l’égo s’en mêlèrent, pour les opposer férocement, entre haine et admiration réciproques. Mais l’amour de la science, le goût du défi, la conviction d’être dans le vrai les rassemblèrent parfois, dans un respect mutuel. Que se serait-il passer s’ils avaient travailler ensemble et non en compétition ? Auraient-ils autant avancé ? Cela reste à voir. Mais le récit de leurs exploits mis en lumière par le réalisateur Mathieu Schwartz, entre témoignages de spécialistes, anecdotes d’historiens et extraits de fictions, éclaire de manière pertinente la situation actuelle.
Repérer une bactérie, un virus est un travail d’enquête, une véritable traque, que ces savants vont mener à l’intuition, inventant pas à pas les outils de leurs investigations.
La recherche est affaire de caractères forts, intuitifs certes, prêts à prendre certains risques, à transiger avec les exigences, voire la prudence la plus élémentaire, et qui forcément s’affrontent, se dénigrent.
Découvrir est une chose, communiquer cette trouvaille en est une autre. Les journaux d’alors sont gourmands de ces avancées qu’ils ont tendance à sublimer un peu trop parfois, mais auxquelles ils prêtent une aura internationale, dans un univers où la culture demeure une vertu cardinale, où l’on a encore conscience de la valeur d’un savoir qu’il convient de compléter sans fin.
Le champ de la découverte est forcément politique. Le combat Pasteur/Koch prolonge la guerre entre la France et la Prusse. Et chaque pays a tout intérêt à prendre la tête de cette course au savoir, pour se valoriser, affirmer sa puissance.
Ces hommes sont des pionniers, des guerriers. Véritablement. On qualifie souvent de visionnaires les grands pontes du digital, les fondateurs des grandes start-up californiennes devenues GAFA. Ils font pâle figure en regard de statures telles que celles de Pasteur et Koch, qui vont révolutionner leur domaine d’expertise comme la vie de leurs contemporains.
Plus généralement, l’étude ici effectuée donne à voir l’émergence d’une discipline que nous avions banalisée dans le confort de noter modernité connectée. Le coronavirus vient de nous rattraper sans aucune pitié, nous ramenant à l’âge des grandes épidémies. Nous souvenir de Pasteur et Koch devient impératif pour comprendre ce qui se joue actuellement, et combien il importe de valoriser la mission de nos personnels de santé comme de nos chercheurs.
Et plus si affinités