C’est LA grande question pour les rescapés culturels de la COVID. Comment faire muter l’activité afin de coller à la réalité des gestes barrières et des mesures de sécurité sanitaire ? Éléments de réponse avec l’édition 2020 des Traverses parachutée sous les frondaisons du Domaine départemental de Méréville au fin fond du 91.
Les Traverses 13eme du nom
Avant d’aller plus loin, présentons le concept. Depuis 13 ans donc, le festival investit le parc de la charmante commune de Méréville, sous l’égide de la Communauté d’Agglomération de l’Etampois et du Sud Essonne. Objectif : donner à voir les résultat du travail réalisé par le projet socio-culturel Le Silo drivé par l’association Farine de Froment sur le territoire du Sud-Essonne. Bon ça c’est du blabla administratif pour faire plaisir aux pontes du ministère de la Culture ou de ce qu’il en reste.
Concrètement, le Silo s’est dropé dans un vieux moulin au bord de la Juine, la rivière locale, pour y faire fleurir des artistes en résidence et apporter un brin de création dans un territoire qui en manque considérablement : Méréville, c’est la campagne, des cressonnières, des halles du XVIeme siècle et un château magnifique mais désespérément en ruines faute de moyens pour le retaper. Ce qui est dommage car l’endroit est splendide et riche de possibilités. Bref, les filles et gars du Silo sont des combattants du quotidien installés en premier ligne sur le front territorial de la diffusion culturelle. Et Les Traverses constituent un temps fort de cette diffusion.
Balade artistique
Un temps fort qu’il était hors de question d’abandonner, et qu’il a donc fallu adapter aux impératifs de la pandémie. D’où l’option balade artistique, incluant autant d’étapes/découvertes où chaque artiste s’exprime selon sa discipline : danse, théâtre, concert, jonglage, performance … avec au programme sur toute l’après-midi : la fanfare Gloups, la chorale des Baladins le conteur-musicien Bernard Chèze, l’atelier Théâtre des Music’Halles, l’accordéoniste Thierry Bretonnet, le jongleur Vincent de Lavenère, Maité Vilar, Maud Miroux, The Greenpeaks of the Dark Mountains, Anne-Camille Hubrecht, les compagnies, Leste, Labsem, Hippocampe.
Et les spectateurs de se promener d’un spot à l’autre, dans ce parc magnifique et accueillant, où chaque intervention trouve parfaitement sa place, qui dans une grotte, qui dans les ruines d’un moulin, qui devant les décombres de la laiterie … Bref chaque artiste s’intègre dans l’environnement, et le paysage devient un théâtre de verdure où nature et culture se rejoignent. Dixit tout particulièrement les papillons de Anne Boutin et Claire Garros, qui s’égayent dans les fourrés, parsèment les champs et donnent à voir l’envolée des mots et des images, la poésie du détournement d’objet.
Plein air anti-covid ?
En ce dimanche après-midi, le public est au rendez-vous, aucun doute là-dessus. Les Traverses attirent des couples, des familles, des copains … Le temps est clément, l’atmosphère douce. Sinon un jour de fête comme le voudrait l’étymologie, du moins un moment de détente et d’échange. Avec les artistes, qui n’hésitent pas à dialoguer entre deux performances, histoire d’expliquer leur travail, avec les autres spectateurs également. Bref des retrouvailles entre animaux sociaux en manque de relations après trois mois de confinement. L’humanité quoi, avec rappel des mesures de précautions. L’avenir du milieu festivalier ?
Peut-être bien, probablement même. Avec un bémol de taille, cependant : dans « festival » il y a fête, une parenthèse enchantée qui annule provisoirement les problèmes du quotidien pour se divertir, se ressourcer. Et laisser derrière soit les précautions de base. Autour de nous, peu de personnes masquées, peu de gel anti-bactérien. Ce n’est pas le fait des organisateurs, juste l’insouciance des promeneurs venus s’aérer les poumons et l’esprit. Un grand besoin de se retrouver, de parler, de rire, de plaisanter … qui abolit souvent le mètre de distance sécuritaire. Et c’est peut-être le problème que devront prendre en compte les événements qui miseront sur le plein air : cette déconnexion inhérente au principe même du festival.
Cela étant, Les Traverses 2020 peuvent s’enorgueillir d’avoir su s’adapter sans passer par la case digitale. L’avenir de la culture se situe-t-il dans les bois ? Pourquoi pas ? Le Festival des Forêts chroniqué à la mi-juin va dans ce sens, et de nombreux autres événements amorcent leur mue végétale, quand ils disposent d’un terrain propice. A suivre avec attention : le potentiel est là, le terreau fertile. La culture a tout à gagner à se mettre au vert.
Et plus si affinités