C’est le commentaire qui me vient à l’esprit en bouclant les 390 pages de J’étais le dealer des Rolling Stones, récit dantesque devenu culte. Car en rencontrant les Rolling Stones dans la flamboyance perverse des 60’s britanniques, Tony Sanchez ne savait pas qu’il allait mettre le doigt et tout le reste dans un engrenage particulièrement destructeur.
Les arcanes d’un groupe mythique
Engrenage qu’il démonte page après page de ces mémoires passionnantes, tout en pénétrant les arcanes d’un groupe mythique au parfum particulièrement sulfureux. Et c’est justement ça qui est à la fois effrayant et jouissif dans sa narration : on plonge tête la première dans l’intimité d’une formation rock en passe de constituer sa propre légende, mais dont la réalité est beaucoup moins glamour et glorieuse.
Derrière les paillettes et l’image de stars, nous découvrons l’appât du gain, la came à outrance, les conflits internes au groupe, comment Mick Jagger et Keith Richards vont éradiquer Brian Jones (qui n’était pas un ange du reste) dans un jeu de pouvoir machiavélique. Anita Pallenberg, Marianne Faithfull, Bianca Jagger … nous voyons également apparaître les donzelles qui vont accompagner ces messieurs et pas forcément pour le meilleur.
A lire également : Altamont 69 – Joel Selvin : no shelter for you …
Entre ange et démon
«There’s no business like show business» dit le proverbe. Pour le rock, c’est ça multiplié par dix, dans la joie et l’ignoble. Surtout à l’orée des années 70, dans un climat social implosif où la jeunesse internationale dénonce les carcans imposés par la génération précédente. Tony Sanchez met particulièrement en évidence la manière dont les Rolling Stones vont servir à la fois de miroir et de caisse de résonance à cette colère.
Pas un concert sans émeute, sans charge policière. Des journalistes en quête de scandale, des musicos qui tournent junky, et entraînent leur entourage sans scrupule. Des scènes de débauche, des gars qui s’échangent leurs petites copines. Et au milieu de tout ça, Altamont comme un point noir révélateur dans cette épopée entre ange et démon, dont chaque ligne s’écrit au lance-flamme, entre un accident de voiture et une ligne d’héro.
A lire également : Philippe Will – Dealer : maudites Sixties !
Grandes heures maudites
Et la musique dans tout ça ? Elle est là, Sanchez relate l’écriture des tubes stoniens incontournables, mais surtout la difficulté croissante d’une création coincée entre l’affairisme de Jagger et l’addiction de Richards, les rivalités entre leurs compagnes, les morts étranges, les malédictions … et le temps qui passe. De ces grandes heures maudites, que reste-t-il ? C’est la question qui se pose alors que Jagger vient de célébrer ses 77 ans, avec une opé cardiaque à la clé, et un nouvel album en gestation en cette période de Covid.
A croire que les spasmes sociaux de notre temps ont réveillé ces messieurs ? En tout cas, J’étais le dealer des Rolling Stones nous rappelle avec une sacrée verve qu’ils ont écrit l’Histoire. A leur manière certes, mais pour toujours.
Et plus si affinités
https://lemotetlereste.com/musiques/jetaisledealerdesrollingstones/