Wannsee, enchanteur sous la neige, un paysage de conte de fées, une demeure somptueuse et raffinée, des domestiques qui s’agitent pour préparer une réception … vaisselle de prix, linge fin, mets succulents, vins rares … nous sommes le 20 janvier 1942 à Berlin, et la conférence de Wannsee va débuter. Pour valider l’extermination industrielle de millions de juifs dans les chambres à gaz. La solution finale. La chose est expédiée en deux heures.
Des seconds couteaux du nazisme
Deux heures qui inspirent le téléfilm de Frank Pierson Conspiration avec à l’affiche Kenneth Branagh, Stanley Tucci, Colin Firth, Ian McNeice pour ne citer qu’une partie de ce casting exceptionnel. Il fallait bien cela pour interpréter sans faiblir et avec la justesse qui s’impose ceux qui participèrent à cette réunion atroce. Autour de Heydrich qui préside la conférence, secondé par Eichmann, des seconds couteaux du nazisme, secrétaires de chancellerie, de ministères, représentants d’antennes SIPo et SD en Europe centrale occupée, notamment en Pologne.
Hitler et ses principaux lieutenants sont absents, laissant cette basse besogne à leurs sous-fifres qui s’en acquittent avec enthousiasme, applaudissant chaque mesure annoncée par un Heydrich d’une rare efficacité et particulièrement désireux de prendre les choses en main. La solution finale, c’est lui. Et les autres n’ont aucune voie au chapitre, on ne les consulte pas, on les informe. Autour de la table, devant leurs verres et leurs assiettes garnies, fumant le cigare, tous s’épanchent, satisfaits de cette éradication qu’ils appelaient de leurs vœux.
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Mécanisme de mort à grande échelle
Et quand certains émettent des remarques, c’est sur des points de détails juridiques, des problèmes d’organisation, de rentabilité. Aucun ne s’insurgera, aucun ne claquera la porte. Tous garderont le secret ; la rencontre est confidentielle, les procès-verbaux seront détruits … on en retrouvera un seul exemplaire parmi les archives de Martin Luther, alors sous-secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères. Pas un compte rendu détaillé, mais une compilation qui permet néanmoins de saisir la main mise des SS sur le processus d’extermination, et la complaisante obéissance des institutions.
Que dire, sinon que ce téléfilm, lui-même inspiré du docu-fiction allemand Die Wannseekonferenz, prend à la gorge en donnant à voir la folie dévastatrice de ces individus, leur endoctrinement, leur haine féroce canalisée par le mécanisme de mort à grande échelle ? Des chiffres, des statistiques, des blagues de très mauvais goût … les victimes sont déshumanisées, ce sont des numéros. On en parle avec détachement, en savourant un Cognac, comme on évoquera une campagne de dératisation. Avec néanmoins une angoisse latente qui s‘insinue entre les participants.
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Tous redoutent Heydrich et ses SS. Tous ont peur de déplaire au régime, à Hitler. Tous approuvent, mais certains signes physiques laissent entendre que la gravité de cette décision ne leur échappe pas. C‘est que la guerre en Russie ne se déroule pas aussi bien que prévu, et que doucement des failles apparaissent dans la grande logique guerrière d‘Hitler. La victoire n‘est pas à portée de main ; bientôt elle ne le sera plus Et cette ombre pèse sur l‘assistance, pendant qu‘on entérine le massacre usiné de millions de gens, hommes, femmes, vieillards, enfants.
Et plus si affinités
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