À la base, Messieurs les ronds de cuir est un roman sous-titré Tableaux-roman de la vie de bureau, que Courteline troussa en l’an de grâce 1893 pour y railler les fonctionnaires. En 1911, cela devint une pièce adaptée de la blanche main de Robert Dieudonné et Raoul Aubry. En 1978, la version filmée déboule sur les petits écrans français, drivée par un Daniel Ceccaldi particulièrement inspiré par cette intrigue ubuesque. Car il faut le reconnaître, Messieurs les ronds de cuir est une histoire de dingue.
Le très inutile Ministère des Dons et des Legs
Nous voici donc de bon matin dans les locaux du prestigieux et totalement inutile Ministère des Dons et des Legs, qui, comme son nom l’indique s’occupe de tout et de rien, sauf de dons et de legs. C’est que les fonctionnaires qui œuvrent en ces augustes lieux ont bien des soucis à régler : se laver les pieds, composer des chansons, jouer de la trompette, nettoyer les chapeaux, faire de l’exercice physique, séduire les jolies dames…
Et occasionnellement, déterminer le mode de rangement des dossiers qui sera le moins pratique possible, obtenir des palmes académiques qu’on ne mérite pas, faire des économies de bouts de chandelles, comploter pour piquer la place du voisin, vouloir flinguer son supérieur à coup d’épée, envisager de coller toute l’équipe à la porte… rien que de très normal en somme dans ce quotidien poussiéreux voué à la paresse et à l’ennui.
Fades, fantaisistes ou carrément fous
Des ronds-de-cuir donc, comme ce petit coussin creux où les plus aguerris posent leurs céans jour après jour pour éviter, imagine-t-on, usure du mobilier, crevasses disgracieuses et douloureuses hémorroïdes. Des bureaucrates de tous âges et origines, empêtrés bien au chaud dans leurs habitudes et leurs jérémiades, sans véritables horizons, mués par des ambitions diverses, des gens fades, fantaisistes ou carrément fous.
Ceccaldi met en images avec délectation les facéties de ce diable de Courteline, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère à pot pour passer ce joli monde à la moulinette de ses sarcasmes. Et nous de hurler de rire devant cette déferlante de gags scabreux qui sentent leur vécu, avec à l’affiche rien de moins que Claude Dauphin, Roger Carel, Raymond Pellegrin, Bernard Le Coq, Michel Robin, Jean-Luc Moreau, Jacques Legras, Jean-Marc Thibault et j’en passe.
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Casting prestigieux et particulièrement à l’aise dans ce registre bondissant, qui plante avec brio et sans complaisance les travers et lourdeurs de l’administration jusqu’à l’absurde et l’inconvenant. Sujet toujours d’actualité ? Certains passages semblent furieusement contemporains, même joués en costumes. Bref, Messieurs les ronds de cuir va vous mettre en joie !