Tout ça à cause d’un pied cassé en jouant avec son chien … Denis Robert a décidément la convalescence productive. Six semaines bouclé chez lui la patte en l’air et ce diable d’homme accouche d’un pavé de 300 pages où il démonte le monstre financier Blackrock et ses intentions prédatrices. Mais ne nous y trompons pas : un pareil décorticage remonte loin dans le temps. Larry et moi germe dans la tête de Robert depuis des années.
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Quand Denis Robert renifle une piste …
Plus spécifiquement depuis qu’on a retoqué la préface qu’il avait pourtant rédigée sur demande pour l’ouvrage de l’enquêtrice allemande Heike Butcher, BlackRock, ces financiers qui s’emparent de notre argent. Ouvrage qui servit de socle au documentaire de Tom Ockers, Ces financiers qui dirigent le monde – BlackRock, dont nous fîmes une chronique aussi passionnée qu’horrifiée en découvrant séquence après séquence les dessous et les désirs de ce Moloch dévorateur.
Du coup, le sujet nous a forcément captés. Pour en savoir plus sur cette hydre, ses pratiques et ses objectifs. Parce que c’est Denis Robert aux commandes, et que quand Denis Robert renifle une piste, ce n’est jamais pour rien. C’est quand même le tombeur de Clearstream, un obsédé de la finance opaque, un traqueur de la délinquance en col blanc. Et un journaliste comme on en fait de moins en moins, un pitbull qui ne lâche rien, même sous les coups.
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Au pied du volcan
Pire, plus on tape, plus il sert les mâchoires. Et en plus, il a une sacrée plume, ce sagouin. Un style redoutable, travaillé sans en avoir l’air, qui accroche l’attention, parle au cœur, aux tripes comme au cerveau. Et rendre les méandres des flux financiers beaucoup plus compréhensibles pour le commun des mortels ; or ça, ça ne plaît pas dans les hautes sphères des grands groupes et des gouvernants qui s’obstinent à le poursuivre de leur colère. Énorme connerie, erreur de stratégie crasse : le journaliste de haut niveau est devenu un homme blessé.
Pire qu’un Croisé, l’homme blessé, car plus efficace. Lucide dans sa chair, il ne lâchera rien, non pas parce qu’il veut convertir la terre entière, ça c’est un truc de fanatique ; non l’homme blessé cherche la justice, la vraie, pour tous, parce qu’il connaît de l’intérieur les dégâts engendrés par ce type de prédation inique. Et là, c’est la merde. Pour ceux d’en face, qu’il ne loupera plus jamais, qu’il va scruter en permanence, comme on surveillerait un volcan faussement endormi, une centrale nucléaire dont on sait les failles, dont on veut éviter l’explosion.
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Un colosse aux pieds d’argile
Après Tout va bien puisque nous sommes en vie, Révélation$, Clearstream – L’enquête, Les Prédateurs, Larry et moi complète le tableau de chasse de Robert en un moment clé de la progression du fonds d’investissement américain. Qui zieute avec gourmandise sur l’Europe et plus spécifiquement la France dont le démantèlement du système social ferait bien les affaires. Et Denis Robert d’expliquer en quoi, tout en évoquant les redoutables fragilités de ce colosse aux pieds d’argile.
En s’appuyant sur force références, articles de presse, entretiens avec des spécialistes … et en restituant chaque pan de son analyse, chaque avancée de manière simple et compréhensible, avec des exemples concrets illustrant la manière dont Larry Fink et Blackrock envahissent notre quotidien sans que nous le soupçonnions, pour en menacer la sécurité. C’est chiffré, étayé, argumenté, exposé avec clarté et pédagogie, sans en faire des tonnes. Précision, bon sens, sincérité et quelque part un titre en forme de clin d’œil à Roger and Me de Michael Moore ?
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Récapitulons : mieux qu’une enquête économique de plus sur un scandale financier à venir, Larry et moi – Comment Blackrock nous aime, nous surveille et nous détruit constitue un véritable cours d’éducation populaire, que ne renierait pas Franck Lepage. Une manière impactante d’appréhender la logique toute particulière de cet univers qui nous échappe complètement, mais que nous aurions tout intérêt à cerner pour préserver notre avenir.
Et plus si affinités